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des frères qui périt dans cette occasion. Les religieux venaient enfin d’obtenir, avec beaucoup de peine, la permission de faire à leur monastère les réparations les plus urgentes.

De bonnes nouvelles m’attendaient à Rama : j’y trouvai un drogman du couvent de Jérusalem, que le gardien envoyait au-devant de moi. Le chef arabe que les Pères avaient fait avertir, et qui me devait servir d’escorte, rôdait à quelque distance dans la campagne ; car l’aga de Rama ne permettait pas aux Bedouins d’entrer dans la ville. La tribu la plus puissante des montagnes de Judée fait sa résidence au village de Jérémie ; elle ouvre et ferme à volonté le chemin de Jérusalem aux voyageurs. Le chéik de cette tribu était mort depuis très peu de temps ; il avait laissé son fils Utman sous la tutelle de son oncle Abou-Gosh : celui-ci avait deux frères, Djiaber et Ibrahim-Habd-el-Rouman, qui m’accompagnèrent à mon retour.

Il fut convenu que je partirais au milieu de la nuit. Comme le jour n’était pas encore à sa fin, nous soupâmes sur les terrasses qui forment le toit du couvent. Les monastères de Terre Sainte ressemblent à des forteresses lourdes et écrasées, et ne rappellent en aucune façon les monastères de l’Europe. Nous jouissions d’une vue charmante : les maisons de Rama sont des cahutes de plâtre, surmontées d’un petit dôme tel que celui d’une mosquée ou d’un tombeau de santon ; elles semblent placées dans un bois d’oliviers, de figuiers, de grenadiers, et sont entourées de grands nopals qui affectent des formes bizarres et entassent en désordre les unes sur les autres leurs palettes épineuses. Du milieu de ce groupe confus d’arbres et de maisons s’élancent les plus beaux palmiers de l’Idumée. Il y en avait un surtout dans la cour du couvent que je ne me lassais point d’admirer : il montait en colonne à la hauteur de plus de trente pieds, puis épanouissait avec grâce ses rameaux recourbés, au-dessous desquels les dattes à moitié mûres pendaient comme des cristaux de corail.

Rama est l’ancienne Arimathie, patrie de cet homme juste qui eut la gloire d’ensevelir le Sauveur. Ce fut à Lod, Lydda ou Diospolis, village à une demi-lieue de Rama, que saint Pierre opéra le miracle de la guérison du paralytique. Pour ce qui concerne Rama considérée sous les rapports du commerce, on peut consulter les Mémoires du baron de Tott et le Voyage de M. de Volney.

Nous sortîmes de Rama le 4 octobre à minuit. Le Père président nous conduisit par des chemins détournés à l’endroit où nous attendait Abou-Gosh, et retourna ensuite à son couvent. Notre troupe était composée du chef arabe, du drogman de Jérusalem, de mes deux domestiques et du Bedouin de Jaffa, qui conduisait l’âne chargé du bagage. Nous gardions