Je changeais de théâtre : les îles que j’allais traverser étaient dans l’antiquité une espèce de pont jeté sur la mer pour joindre la Grèce d’Asie à la véritable Grèce. Libres ou sujettes, attachées à la fortune de Sparte ou d’Athènes, aux destinées des Perses, à celles d’Alexandre et de ses successeurs, elles tombèrent sous le joug romain. Tour à tour arrachées au Bas-Empire par les Vénitiens, les Génois, les Catalans, les Napolitains, elles eurent des princes particuliers, et même des ducs qui prirent le titre général de ducs de l’Archipel. Enfin, les soudans de l’Asie descendirent vers la Méditerranée ; et pour annoncer à celle-ci sa future destinée, ils se firent apporter de l’eau de la mer, du sable et une rame. Les îles furent néanmoins subjuguées les dernières ; mais enfin elles subirent le sort commun, et la bannière latine, chassée de proche en proche par le croissant, ne s’arrêta que sur la rivage de Corfou.
De cette lutte des Grecs, des Turcs et des Latins il résulta que les îles de l’Archipel furent très-connues dans le moyen âge : elles étaient sur la route de toutes ces flottes qui portaient des armées ou des pèlerins à Jérusalem, à Constantinople, en Égypte, en Barbarie ; elles devinrent les stations de tous ces vaisseaux génois et vénitiens qui renouvelèrent le commerce des Indes par le port d’Alexandrie : aussi retrouve-t-on les noms de Chio, de Lesbos, de Rhodes, à chaque page de la Byzantine ; et tandis qu’Athènes et Lacédémone étaient oubliées, on savait la fortune du plus petit écueil de l’Archipel.
De plus, les voyages à ces îles sont sans nombre, et remontent