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principale résidence à Napoli, à cause que les galères des beys 64 y vont hiverner et qu’elles y sont ordinairement depuis le mois de novembre jusqu’à la fête de saint Georges, qui est le jour où elles se remettent en mer : elles sont remplies de forçats chrétiens, qui ont besoin d’être instruits et encouragés ; et c’est à quoi s’occupe avec autant de zèle que de fruit le père Barnabé de Paris, qui est présentement supérieur de la maison d’Athènes et de la Morée. "

Mais si ces religieux revenus de Sparte et d’Athènes étaient si modestes dans leurs cloîtres, peut-être était-ce faute d’avoir bien senti ce que la Grèce a de merveilleux dans ses souvenirs ; peut-être manquaient-ils aussi de l’instruction nécessaire. Ecoutons le père Babin, jésuite : nous lui devons la première relation que nous ayons d’Athènes.

" Vous pourriez, dit-il, trouver dans plusieurs livres la description de Rome, de Constantinople, de Jérusalem et des autres villes les plus considérables du monde, telles qu’elles sont présentement ; mais je ne sais pas quel livre décrit Athènes telle que je l’ai vue, et l’on ne pourrait trouver cette ville si on la cherchait comme elle est représentée dans Pausanias et quelques autres anciens auteurs ; mais vous la verrez ici au même état qu’elle est aujourd’hui, qui est tel que parmi ses ruines elle ne laisse pas pourtant d’inspirer un certain respect pour elle, tant aux personnes pieuses qui en voient les églises qu’aux savants qui la reconnaissent pour la mère des sciences et aux personnes guerrières et généreuses qui la considèrent comme le champ de Mars et le théâtre où les plus grands conquérants de l’antiquité ont signalé leur valeur et ont fait paraître avec éclat leur force, leur courage et leur industrie ; et ces ruines sont enfin précieuses pour marquer sa première noblesse et pour faire voir qu’elle a été autrefois l’objet de l’admiration de l’univers.
" Pour moi, je vous avoue que d’aussi loin que je la découvris de dessus la mer, avec des lunettes de longue vue, et que je vis quantité de grandes colonnes de marbre qui paraissent de loin et rendent témoignage de son ancienne magnificence, je me sentis touché de quelque respect pour elle. "

Le missionnaire passe ensuite à la description des monuments : plus heureux que nous, il avait vu le Parthénon dans son entier.

Enfin, cette pitié pour les Grecs, ces idées philanthropiques que nous nous vantons de porter dans nos voyages, étaient-elles donc inconnues des religieux ? Ecoutons encore le P. Babin :

" Que si Solon disait autrefois à un de ses amis, en regardant de dessus une montagne cette grande ville et ce grand nombre de magnifiques