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suivîmes quelque temps la voie d’Airain ; on y remarque les vestiges du temple des Furies : de là, en nous rapprochant d’Athènes, nous errâmes assez longtemps dans les environs de l’Académie. Rien ne fait plus reconnaître cette retraite des sages. Ses premiers platanes sont tombés sous la hache de Sylla, et ceux qu’Adrien y fit peut-être cultiver de nouveau n’ont point échappé à d’autres barbares. L’autel de l’Amour, celui de Prométhée et celui des Muses ont disparu : tout feu divin s’est éteint dans les bocages où Platon fut si souvent inspiré. Deux traits suffiront pour faire connaître quel charme et quelle grandeur l’antiquité trouvait aux leçons de ce philosophe : la veille du jour où Socrate reçut Platon au nombre de ses disciples, il rêva qu’un cygne venait se reposer dans son sein. La mort ayant empêché Platon de finir le Critias, Plutarque déplore ce malheur, et compare les écrits du chef de l’Académie aux temples d’Athènes, parmi lesquels celui de Jupiter Olympien était le seul qui ne fût pas achevé.

Il y avait déjà une heure qu’il faisait nuit quand nous songeâmes à retourner à Athènes : le ciel était brillant d’étoiles, et l’air d’une douceur, d’une transparence et d’une pureté incomparables ; nos chevaux allaient au petit pas, et nous étions tombés dans le silence. Le chemin que nous parcourions était vraisemblablement l’ancien chemin de l’Académie, que bordaient les tombeaux des citoyens morts pour la patrie et ceux des plus grands hommes de la Grèce : là reposaient Thrasybule, Périclès, Chabrias, Timothée, Harmodius et Aristogiton. Ce fut une noble idée de rassembler dans un même champ la cendre de ces personnages fameux qui vécurent dans différents siècles, et qui, comme les membres d’une famille illustre longtemps dispersée, étaient venus se reposer au giron de leur mère commune. Quelle variété de génie, de grandeur et de courage ! Quelle diversité de mœurs et de vertus on apercevait là d’un coup d’œil ! Et ces vertus tempérées par la mort, comme ces vins généreux que l’on mêle, dit Platon, avec une divinité sobre, n’offusquaient plus les regards des vivants. Le passant qui lisait sur une colonne funèbre ces simples mots :

Périclès de la tribu acamantide,
du bourg de Cholargue,

n’éprouvait plus que de l’admiration sans envie. Cicéron nous représente Atticus errant au milieu de ces tombeaux et saisi d’un saint respect à la vue de ces augustes cendres. Il ne pourrait plus aujourd’hui nous faire la même peinture : les tombeaux sont détruits. Les illustres morts que les Athéniens avaient placés hors de leur ville, comme aux