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rendu compte de cette fouille dans ses Mémoires. Nous marchions au travers de vignes comme en Bourgogne, et dont le raisin commençait à rougir. Nous nous arrêtâmes aux citernes publiques, sous des oliviers : j’eus le chagrin de voir que le tombeau de Ménandre, le cénotaphe d’Euripide et le petit temple dédié à Socrate n’existaient plus ; du moins ils n’ont point encore été retrouvés. Nous continuâmes notre route, et en approchant du Musée M. Fauvel me fit remarquer un sentier qui montait en tournant sur le flanc de cette colline. Il me dit que ce sentier avait été tracé par le peintre russe qui tous les jours allait prendre au même endroit des vues d’Athènes. Si le génie n’est que la patience, comme l’a prétendu Buffon, ce peintre doit en avoir beaucoup.

Il y a à peu près quatre milles d’Athènes à Phalère, trois ou quatre milles de Phalère au Pirée, en suivant les sinuosités de la côte et cinq milles du Pirée à Athènes : ainsi, à notre retour dans cette ville, nous avions fait environ douze milles, ou quatre lieues.

Comme les chevaux étaient loués pour toute la journée, nous nous hâtâmes de dîner, et nous recommençâmes nos courses à quatre heures du soir.

Nous sortîmes d’Athènes par le côté du mont Hymette ; mon hôte me conduisit au village d’Angelo-Kipous, où il croit avoir retrouvé le temple de la Vénus aux Jardins, par les raisons qu’il en donne dans ses Mémoires. L’opinion de Chandler, qui place ce temple à Panagia-Spiliotissa, est également très probable ; et elle a pour elle l’autorité d’une inscription. Mais M. Fauvel produit en faveur de son sentiment deux vieux myrtes et de jolis débris d’ordre ionique : cela répond à bien des objections. Voilà comme nous sommes, nous autres amateurs de l’antique : nous faisons preuve de tout.

Après avoir vu les curiosités d’Angelo-Kipous, nous tournâmes droit au couchant, et, passant entre Athènes et le mont Anchesme, nous entrâmes dans le grand bois d’oliviers ; il n’y a point de ruines de ce côté, et nous ne faisions plus qu’une agréable promenade avec les souvenirs d’Athènes. Nous trouvâmes le Céphise, que j’avais déjà salué plus bas en arrivant d’Eleusis : à cette hauteur il avait de l’eau, mais cette eau, je suis fâché de le dire, était un peu bourbeuse : elle sert à arroser des vergers, et suffit pour entretenir sur ses bords une fraîcheur trop rare en Grèce. Nous revînmes ensuite sur nos pas, toujours à travers la foret d’oliviers. Nous laissâmes à droite un petit tertre couvert de rochers : c’était Colone, au bas duquel on voyait autrefois le village de la retraite de Sophocle, et le lieu où ce grand tragique fit répandre au père d’Antigone ses dernières larmes. Nous