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écrites en lettres de bronze, à en juger par les marques des clous qui attachaient ces lettres. M. Fauvel pensait que ces clous avaient servi peut-être à retenir des guirlandes ; mais je l’ai ramené à mon sentiment en lui faisant remarquer la disposition régulière des trous. De pareilles marques ont suffi pour rétablir et lire l’inscription de la Maison-Carrée à Nîmes. Je suis convaincu que, si les Turcs le permettaient, on pourrait aussi parvenir à déchiffrer les inscriptions du Parthénon.

Tel était ce temple qui a passé à juste titre pour le chef-d’œuvre de l’architecture chez les anciens et chez les modernes : l’harmonie et la force de toutes ses parties se font encore remarquer dans ses ruines, car on en aurait une très fausse idée si l’on se représentait seulement un édifice agréable, mais petit, et chargé de ciselures et de festons à notre manière. Il y a toujours quelque chose de grêle dans notre architecture, quand nous visons à l’élégance ; ou de pesant, quand nous prétendons à la majesté. Voyez comme tout est calculé au Parthénon ! L’ordre est dorique, et le peu de hauteur de la colonne dans cet ordre vous donne à l’instant l’idée de la durée et de la solidité ; mais cette colonne, qui de plus est sans base, deviendrait trop lourde : Ictinus a recours à son art ; il fait la colonne cannelée, et l’élève sur des degrés : par ce moyen il introduit presque la légèreté du corinthien dans la gravité dorique. Pour tout ornement vous avez deux frontons et deux frises sculptées. La frise du péristyle se compose de petits tableaux de marbre régulièrement divisés par un triglyphe : à la vérité, chacun de ces tableaux est un chef-d’œuvre ; la frise de la cella règne comme un bandeau au haut d’un mur plein et uni : voilà tout, absolument tout. Qu’il y a loin de cette sage économie d’ornements, de cet heureux mélange de simplicité, de force et de grâce, à notre profusion de découpures en carré, en long, en rond, en losange ; à nos colonnes fluettes, guindées sur d’énormes bases, ou à nos porches ignobles et écrasés que nous appelons des portiques !

Il ne faut pas se dissimuler que l’architecture considérée comme art est dans son principe éminemment religieuse : elle fut inventée pour le culte de la Divinité. Les Grecs, qui avaient une multitude de dieux, ont été conduits à différents genres d’édifices, selon les idées qu’ils attachaient aux différents pouvoirs de ces dieux. Vitruve même consacre deux chapitres à ce beau sujet, et enseigne comment on doit construire les temples et les autels de Minerve, d’Hercule, de Cérès, etc. Nous, qui n’adorons qu’un seul maître de la nature, nous n’avons