renoncer, mais ils voulaient demeurer parmi les Lotophages et ils oubliaient leur patrie 34. "
L’Albanais n’entendait rien à cela ; pour toute réponse, il m’invitait à manger sa poule et quelques frutti di mare. J’aurais préféré ce poisson, appelé glaucus, que l’on pêchait autrefois sur la côte de Mégare. Anaxandrides, cité par Athénée, déclare que Nérée seul a pu le premier imaginer de manger la hure de cet excellent poisson ; Antiphane veut qu’il soit bouilli, et Amphis le sert tout entier à ces sept chefs qui sur un bouclier noir
- Epouvantaient les cieux de serments effroyables.
Le retard causé par le bon cœur de mon hôte, et plus encore par ma lassitude, nous empêcha d’arriver à Athènes dans la même journée. Sortis de Mégare à onze heures du matin, comme je l’ai déjà dit, nous traversâmes d’abord la plaine ; ensuite nous gravîmes le mont Kerato-Pyrgo, le Kerata de l’antiquité : deux roches isolées s’élèvent à son sommet, et sur l’une de ces roches on aperçoit les ruines d’une tour qui donne son nom à la montagne. C’est à la descente de Kerato-Pyrgo, du côté d’Eleusis, qu’il faut placer la palestre de Cercyon et le tombeau d’Alopé. Il n’en reste aucun vestige. Nous rencontrâmes bientôt le Puits-Fleuri au fond d’un vallon cultivé. J’étais presque aussi fatigué que Cérès quand elle s’assit au bord de ce puits, après avoir cherché Proserpine par toute la terre. Nous nous arrêtâmes quelques instants dans la vallée, et puis nous continuâmes notre chemin. En avançant vers Eleusis, je ne vis point les anémones de diverses couleurs que Wheler aperçut dans les champs ; mais aussi la saison en était passée.
Vers les cinq heures du soir nous arrivâmes à une plaine environnée de montagnes au nord, au couchant et au levant. Un bras de mer long et étroit baigne cette plaine au midi, et forme comme la corde de l’arc des montagnes. L’autre côté de ce bras de mer est bordé par les rivages d’une île élevée ; l’extrémité orientale de cette île s’approche d’un des promontoires du continent : on remarque entre ces deux pointes un étroit passage. Je résolus de m’arrêter à un village bâti sur une colline, qui terminait au couchant, près de la mer, le cercle des montagnes dont j’ai parlé.
On distinguait dans la plaine les restes d’un aqueduc et beaucoup de débris épars au milieu du chaume d’une moisson nouvellement coupée ; nous descendîmes de cheval au pied du monticule, et nous