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n’a pas pris naissance en Italie. Spon a cru reconnaître dans ce monument le temple de Diane d’Ephèse, cité par Pausanias, et Chandler, le Sisyphéus de Strabon. Je ne puis dire si ces colonnes existent encore, je ne les ai point vues ; mais je crois savoir confusément qu’elles ont été renversées, et que les Anglais en ont emporté les derniers débris 29.

Un peuple maritime, un roi qui fut un philosophe et qui devint un tyran, un barbare de Rome, qui croyait qu’on remplace des statues de Praxitèle comme des cuirasses de soldats ; tous ces souvenirs ne rendent pas Corinthe fort intéressante : mais on a pour ressource Jason, Médée, la fontaine Pyrène, Pégase, les jeux Isthmiques institués par Thésée et chantés par Pindare, c’est-à-dire, comme à l’ordinaire, la fable et la poésie. Je ne parle point de Denys et de Timoléon : l’un qui fut assez lâche pour ne pas mourir, l’autre assez malheureux pour vivre. Si jamais je montais sur un trône, je n’en descendrais que mort ; et je ne serai jamais assez vertueux pour tuer mon frère : je ne me soucie donc point de ces deux hommes. J’aime mieux cet enfant qui pendant le siège de Corinthe fit fondre en larmes Mummius lui-même en lui récitant ces vers d’Homère :

Τρίς μάχαρες Δαναοὶ καὶ τετράκις οἴ τότ' ὂλοντο
Τροιῃ ἐν εὐρειῃ, χάριν Ἀτρεῖδῃσι φέροντες.
Ὡς δἡ ἒγωγ ὂφελον θανέειν καὶ πότμον ἐπισπεῖν,
Ἦματι τῷ ὂτε μοὶ πλεῖστοι χαλκήρεα δοὖρα
Τρῶες ἐπέῥῥιψαν περὶ Πηλείωνι θανόντι.
Τῷ κ' ἒλαχον κτερέων, καὶ μεν κλεος ἦγον Ἀχαιοὶ.
Νὖν δέ με λευγαλεῳ Θάνατῳ εἳμαρτο ἁλῶναι.
" Oh ! trois et quatre fois heureux les Grecs qui périrent devant les vastes murs d’Ilion en soutenant la cause des Atrides ! Plût aux dieux que j’eusse accompli ma destinée le jour où les Troyens lancèrent sur moi leurs javelots, tandis que je défendais le corps d’Achille ! Alors j’aurais obtenu les honneurs accoutumés du bûcher funèbre, et les Grecs auraient parlé de mon nom ! Aujourd’hui mon sort est de finir mes jours par une mort obscure et déplorable. "

Voilà qui est vrai, naturel, pathétique ; et l’on retrouve ici un grand coup de la fortune, la puissance du génie et les entrailles de l’homme.

On fait encore des vases à Corinthe, mais ce ne sont plus ceux que Cicéron demandait avec tant d’empressement à son cher Atticus. Il paraît,