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Depuis Sparte jusqu’à la mer se déroule une plaine unie et fertile arrosée par l’Eurotas 18.

Me voilà donc monté sur un créneau du château de Misitra, découvrant, contemplant et admirant toute la Laconie. Mais quand parlerez-vous de Sparte ? me dira le lecteur. Où sont les débris de cette ville ? Sont-ils renfermés dans Misitra ? N’en reste-t-il aucune trace ? Pourquoi courir à Amyclée avant d’avoir visité tous les coins de Lacédémone ? Vous contenterez-vous de nommer l’Eurotas sans en montrer le cours, sans en décrire les bords ? Quelle largeur a-t-il ? de quelle couleur sont ses eaux ? où sont ses cygnes, ses roseaux, ses lauriers ? Les moindres particularités doivent être racontées quand il s’agit de la patrie de Lycurgue, d’Agis, de Lysandre, de Léonidas. Tout le monde a vu Athènes, mais très peu de voyageurs ont pénétré jusqu’à Sparte : aucun n’en a complètement décrit les ruines.

Il y a déjà longtemps que j’aurais satisfait le lecteur si, dans le moment même où il m’aperçoit au haut du donjon de Misitra, je n’eusse fait pour mon propre compte toutes les questions que je l’entends me faire à présent.

Si on a lu l’introduction à cet Itinéraire on a pu voir que je n’avais rien négligé pour me procurer sur Sparte tous les renseignements possibles : j’ai suivi l’histoire de cette ville depuis les Romains jusqu’à nous ; j’ai parlé des voyageurs et des livres qui nous ont appris quelque chose de la moderne Lacédémone ; malheureusement ces notions sont assez vagues, puisqu’elles ont fait naître deux opinions contradictoires. D’après le père Pacifique, Cornelli, le romancier Guillet et ceux qui les ont suivis, Misitra est bâtie sur les ruines de Sparte ; et d’après Spon, Vernon, l’abbé Fourmont, Leroi et d’Anville, les ruines de Sparte sont assez éloignées de Misitra 19. Il était bien clair, d’après cela, que les meilleures autorités étaient pour cette dernière opinion. D’Anville surtout est formel, et il paraît choqué du sentiment contraire : " Le lieu, dit-il, qu’occupait cette ville (Sparte), est appelé Palaeochôri ou le vieux bourg ; la ville nouvelle sous le nom de Misitra, que l’on a tort de confondre avec Sparte, en est écartée vers le couchant 20. " Spon, combattant La Guilletière, s’exprime aussi fortement d’après le témoignage de Vernon et du consul Giraud. L’abbé Fourmont, qui a retrouvé à Sparte tant d’inscriptions, n’a pu être dans l’erreur sur l’emplacement de cette ville. Il est vrai que nous n’avons pas son voyage ; mais Leroi, qui a reconnu le théâtre et le dromos, n’a