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fragments de rocher. Je faillis être victime d’un de ces jeux lacédémoniens.

Le château gothique qui couronne ces débris tombe lui-même en ruine : les vides des créneaux, les crevasses formées dans les voûtes et les bouches des citernes font qu’on ne marche pas sans danger. Il n’y a ni portes, ni gardes, ni canons le tout est abandonné ; mais on est bien dédommagé de la peine qu’on a prise de monter à ce donjon par la vue dont on jouit.

Au-dessous de vous, à votre gauche, est la partie détruite de Misitra, c’est-à-dire le faubourg des Juifs, dont je viens de parler. A l’extrémité de ce faubourg vous apercevez l’archevêché et l’église de Saint-Dimitri, environnés d’un groupe de maisons grecques avec des jardins.

Perpendiculairement au-dessous de vous s’étend la partie de la ville appelée Κατωχώριον, Katôchôrion, c’est-à-dire le bourg au-dessous du château.

En avant de Katôchôrion se trouve le Μεσοχώριον, Mésochôrion, le bourg du milieu : celui-ci a de grands jardins, et renferme des maisons turques peintes de vert et de rouge ; on y remarque aussi des bazars, des kans et des mosquées.

A droite, au pied du Taygète, on voit successivement les trois villages ou faubourgs que j’avais traversés : Tritzella, Panthalama et Parori.

De la ville même sortent deux torrents : le premier est appelé Ὁβριοπόταμος, Hobriopotamos, rivière des Juifs ; il coule entre le Katôchôrion et le Mésochôrion.

Le second se nomme Panthalama, du nom de la fontaine des Nymphes dont il sort : il se réunit à l’Hobriopotamos assez loin dans la plaine, vers le village désert de Μαγοῦλα, Magoula. Ces deux torrents, sur lesquels il y a un petit pont, ont suffi à La Guilletière pour en former l’Eurotas et le pont Babyx, sous le nom générique de Γέφυρος, qu’il aurait dû, je pense, écrire Γέφυρα.

A Magoula, ces deux ruisseaux réunis se jettent dans la rivière de Magoula, l’ancien Cnacion, et celui-ci va se perdre dans l’Eurotas.

Vue du château de Misitra, la vallée de la Laconie est admirable : elle s’étend à peu près du nord au midi ; elle est bordée à l’ouest par le Taygète, et à l’est par les monts Tornax, Barosthènes, Olympe et Ménélaïon ; de petites collines obstruent la partie septentrionale de la vallée, descendent au midi en diminuant de hauteur, et viennent former de leurs dernières croupes les collines où Sparte était assise.