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LIVRE III.

au souffle du printemps, dans les jardins de Nazareth ou dans les vallons du Thabor.

Imploré par le Dieu de mansuétude et de paix en faveur de l’Église menacée, le Dieu fort et terrible fit connoître aux cieux ses desseins sur les fidèles. Il ne prononça qu’une parole, mais une de ces paroles qui fécondent le néant, qui font naître la lumière ou qui renferment la destinée des empires.

Cette parole dévoile soudain aux légions des anges, aux chœurs des vierges, des saints, des rois, des martyrs, le secret de la sagesse. Ils voient dans le mot du souverain Juge, ainsi que dans un rayon limpide du jour, les conceptions du passé, les préparations du présent et les événements de l’avenir.

Le moment est arrivé où les peuples, soumis aux lois du Messie 27, vont enfin goûter sans mélange la douceur de ces lois propices. Assez longtemps l’idolâtrie éleva ses temples auprès des autels du Fils de l’Homme, il faut qu’elle disparoisse du monde. Déjà est né le nouveau Cyrus qui brisera les derniers simulacres des esprits de ténèbres et mettra le trône des Césars à l’ombre des saints tabernacles. Mais les chrétiens, invincibles sous le fer et dans les flammes, se sont laissé amollir aux délices de la paix. Afin de les mieux éprouver, la Providence a permis qu’ils connussent les richesses et les honneurs : ils n’ont pu résister à la persécution de la prospérité. Il faut avant que le monde passe sous leur puissance qu’ils soient dignes de leur gloire ; ils ont allumé le feu de la colère du Seigneur, ils n’obtiendront point grâce à ses yeux qu’ils n’aient été purifiés. Satan sera déchaîné sur la terre ; une dernière épreuve va commencer pour les fidèles : les chrétiens sont tombés, ils seront punis. Celui qui doit expier leurs crimes par un sacrifice volontaire est depuis longtemps marqué dans la pensée de l’Éternel.

Tels sont les premiers conseils que découvrent dans la parole de Dieu les habitants des demeures célestes. Ô parole divine ! quelle longue et foible succession de temps et d’idées la parole humaine est obligée d’employer pour te rendre ! Tu fais tout voir, tout comprendre aux élus dans un moment ; et moi, ton indigne interprète, je développe péniblement dans un langage de mort les mystères contenus dans un langage de vie ! Avec quelle sainte admiration, avec quelle piété sublime, les justes connoissent ensuite l’holocauste demandé et les conditions qui le rendent agréable au Très-Haut 28 ! Cette victime qui doit vaincre l’enfer par la vertu des souffrances et des mérites du sang de Jésus-Christ, cette victime qui marchera à la tête de mille autres victimes, n’a point été choisie parmi les princes et les rois. Né