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doute est à moi ; mais si j’en crois d’assez bons juges, je ne dois avoir nuile inquiétude sur ce point.


29e. — page 157.

Pharaon est là avec tout son peuple, et ses sépulcres sont autour de lui.

Je ne sais si l’on avoit remarqué avant moi ce passage des Prophètes qui peint si bien les Pyramides. J’avois ici un vaste sujet d’amplification, et pourtant je me suis contenté de peindre rapidement cet imposant spectacle ; il faut se taire, après Bossuet, sur ces grands tombeaux. En remontant le Nil pour aller au Caire, lorsque j’aperçus les Pyramides, elles me présentèrent l’image exprimée dans le texte. La beauté du ciel ; le Nil, qui ressembloit alors à une petite mer ; le mélange des sables du désert et des tapis de la plus fraiche verdure ; les palmiers, les dômes des mosquées, les minarets du Caire ; les Pyramides lointaines de Saccara, d’où le fleuve sembloit sortir comme de ses immenses réservoirs : tout cela formoit un tableau qui n’a point son égal dans le reste du monde. Si j’osois comparer quelque chose à ces sépulcres des rois d’Égypte, ce seroient les sépulcres des sauvages sur les rives de l’Ohio. Ces monuments, ainsi que je l’ai dit dans Atala, peuvent être appelés les Pyramides des déserts, et les bois qui les environnent sont les palais que la main de Dieu éleva à l’homme-roi enseveli sous le mont du Tombeau.


30e. — page 157.

Baignée par le lac Achéruse, où Caron passoit les morts.

« Ces plaines heureuses, qu’on dit être le séjour des justes morts, ne sont à la lettre que les belles campagnes qui sont aux environs du lac d’Achéruse, auprès de Memphis, et qui sont partagées par des champs et par des étangs couverts de blé ou de lotos. Ce n’est pas sans fondement qu’on a dit que les morts habitent là ; car c’est là qu’on termine les funérailles de la plupart des Égyptiens, lorsque après avoir fait traverser le Nil et le lac d’Achéruse à leurs corps, on les dépose enfin dans des tombes qui sont arrangées sous terre en cette campagne. Les cérémonies qui se pratiquent encore aujourd’hui dans l’Égypte conviennent à tout ce que les Grecs disent de l’enfer, comme à la barque qui transporte les corps, à la pièce de monnoie qu’il faut donner au nocher nommé Caron en langue égyptienne, au temple de la ténébreuse Hécate, placé à l’entrée de l’enfer ; aux portes du Cocyte et du Léthé, posées sur des gonds d’airain ; à d’autres portes, qui sont celles de la Vérité et de la Justice, qui est sans tête. » (Diodore, liv. i, traduct. de Terrasson.)