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pacha étoit en guerre avec les Maniottes : ainsi la route par Calamate m’étoit fermée. Il fut donc arrêté que je prendrois un long détour ; que je passerois le défilé des Portes, l’un des Hermæum de la Messénie : que je me rendrois à Tripolizza, afin d’obtenir du pacha de Morée le firman nécessaire pour passer l’isthme ; que je reviendrois de Tripolizza à Sparte, et que de Sparte je prendrois par la montagne le chemin d’Argos, de Alycènes et de Corinthe.

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« La maison du consul dominoit le golfe de Coron ; je voyois de ma fenêtre la mer de Messénie, peinte du plus bel azur ; devant moi, de l’autre côté de cette mer, s’élevoit la haute chaîne du Taygète, couverte de neige, et justement comparée aux Alpes par Strabon, mais aux Alpes sous un plus beau ciel. À ma droite s’étendoit la pleine mer, et à ma gauche, au fond du golfe, je découvrois le mont Ithome, isolé comme le Vésuve et tronqué comme lui à son sommet. Je ne pouvois m’arracher à ce spectacle. Quelles pensées ne m’inspiroit point la vue de ces côtes silencieuses et désertes de la Grèce, où l’on n’entend que l’éternel sifflement du mistral et le gémissement des flots ! Quelques coups de canon que le capitan-pacha faisoit tirer de loin à loin contre les rochers des Maniottes interrompoient seuls ces tristes bruits par un bruit plus triste encore. On ne voyoit sur toute l’étendue de la mer que la flotte de ce chef des barbares ; elle me rappeloit les pirates américains, qui plantoient leur drapeau sanglant sur une terre inconnue, et prenoient possession d’un pays enchanté au nom de la servitude et de la mort ; ou plutôt je croyois voir les vaisseaux d’Alaric s’éloigner de la Grèce en cendres, emportant la dépouille des temples, les trophées d’Olympie et les statues brisées de la Liberté et des Arts.

« Je quittai Coron le 14 août, à deux heures du matin, pour continuer mon voyage, etc., etc. »


20e. — page 18.

Comme un jeune olivier qu’un jardinier élève avec soin.

Οἷον δὲ τρέφει ἔρνος ἀνὴρ ἐριθηλὲς ἐλαίης
Χώρῳ ἐν οἰοπόλῳ, ὅθ’ ἅλις ἀναβέβροχεν ὕδωρ
Καλὸν τηλεθάον· τὸ δέ τε πνοιαὶ δονέουσι
Παντοίων ἀνέμων, καί τε βρύει ἄνθεϊ λευκῷ.

(Iliad., liv. xvii, v. 53.)

Je n’ai pas tout imité dans cette belle comparaison. Pythagore avoit une telle admiration pour ces vers, qu’il les avoit mis en musique, et qu’il les chantoit en s’accompagnant de sa lyre.