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PRÉFACE


de l’édition de 1826

Voici un ouvrage que j’ai cru tombé pendant quelque temps, non qu’en ma conscience je le trouvasse plus mauvais que mes précédents ouvrages ; mais la violence de la critique avait ébranlé ma foi d’auteur, et j’avais fini par être convaincu que je m’étais trompé. Quelques amis ne me consolaient pas, parce qu’au fond je n’étais pas affligé, et que je fais bon marché de mes livres ; mais ils soutenaient que la condamnation n’était pas assez justifiée, et que le public tôt ou tard porterait un autre arrêt. M. de Fontanes surtout n’hésitait pas : je n’étois pas Racine, mais il pouvait être Boileau, et il ne cessait de me dire : « Ils y reviendront. » Sa persuasion à cet égard était si profonde, qu’elle lui inspira les stances charmantes :


« Le Tasse errant de ville, etc. »


sans crainte de compromettre son goût et l’autorité de son jugement.

En effet, les Martyrs se sont relevés seuls ; ils ont obtenu l’honneur de quatre éditions consécutives ; ils ont même joui auprès des gens de lettres d’une faveur particulière : on m’a su gré d’un ouvrage qui témoigne de quelque travail de style, d’un grand respect pour la langue et d’un goût sincère de l’antiquité.

Quant à la critique du fond, elle a été promptement abandonnée. Dire que j’avais mêlé le profane au sacré, parce que j’avais peint deux religions qui existaient ensemble, et dont chacune avait ses croyances, ses autels, ses prêtres, ses cérémonies, c’était dire que j’aurais dû renoncer à l’histoire, ou