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tien par Pollion, préfet d’Égypte. Nous nous dirigeâmes sur ce monument, qui annonce si bien aux voyageurs cette cité, fille d’Alexandre, bâtie par le vainqueur d’Arbelles, pour être le tombeau du vaincu de Pharsale. Nous vînmes jeter l’ancre à l’occident du phare, dans le grand port d’Alexandrie. Pierre[a], évêque de cette ville fameuse, m’accueillit avec une bonté paternelle. Il m’offrit un asile dans les bâtiments des serviteurs de l’autel ; mais des liens de parenté me firent choisir la maison de la belle et pieuse Æcatérine[b].

« Avant de rejoindre Dioclétien dans la Haute-Égypte, je passai quelques jours à Alexandrie pour en visiter les merveilles. La bibliothèque excita mon admiration. Elle étoit gouvernée par le savant Didyme, digne successeur d’Aristarque. Là, je rencontrai des philosophes de tous les pays, et les hommes les plus illustres des Églises de l’Afrique et de l’Asie : Arnobe[c] de Carthage, Athanase[d] d’Alexandrie, Eusèbe[e] de Césarée, Timothée, Pamphile[f] tous apologistes, docteurs ou confesseurs de Jésus-Christ. Le foible séducteur de Velléda osoit à peine lever les yeux dans la société de ces hommes forts qui avoient vaincu et détrôné les passions, comme ces conquérants envoyés du ciel pour frapper les princes de la verge et mettre le pied sur le cou des rois.

« Un soir, j’étois resté presque seul dans le dépôt des remèdes et des poisons de l’âme. Du haut d’une galerie de marbre, je regardois Alexandrie éclairée des derniers rayons du jour. Je contemplois cette ville habitée par un million d’hommes et située entre trois déserts : la mer, les sables de la Libye et Nécropolis, cité des morts aussi grande que celle des vivants. Mes yeux erroient sur tant de monuments, le Phare, le Timonium, l’Hippodrome, le palais des Ptolémées, les aiguilles de Cléopàtre ; je considérais ces deux ports couverts de navires, ces flots témoins de la magnanimité du premier des Césars et de la douleur de Cornélie. La forme même de la cité frappoit mes regards : elle se dessine comme une cuirasse macédonienne sur les sables de la Libye, soit pour rappeler le souvenir de son fondateur, soit pour dire aux voyageurs que les armes du héros grec étoient fécondes, et que la pique d’Alexandre faisoit éclore des cités au désert, comme la lance de Minerve fit sortir l’olivier fleuri du sein de la terre.

  1. Le martyr. Il nous reste une lettre apostolique de lui.
  2. Æcatérine, qui résista à l’amour de Maximin.
  3. L’apologiste, dont nous avons les ouvrages.
  4. Le patriarche
  5. L’historien
  6. Le martyr, maître d’Eusèbe.