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Livre Onzième.

Suite du récit. Repentir d’Eudore. Sa pénitence publique. Il quitte l’armée. Il passe en Egypte pour demander sa retraite à Dioclétien. Navigation. Alexandrie. Le Nil. L’Égypte. Eudore obtient sa retraite de Dioclétien. La Thébaïde. Retour d’Eudore chez son père. Fin du récit.

« Pardonnez, seigneurs, aux larmes qui coulent encore de mes yeux ! Je ne vous dirai point que les centurions m’avoient retenu au milieu d’eux, tandis que Velléda s’arrachoit la vie. Trop juste châtiment du ciel, je ne devois plus revoir celle que j’avois séduite que pour l’ensevelir dans la tombe !

« La grande époque de ma vie, ô Cyrille ! doit être comptée de ce moment, puisque c’est l’époque de mon retour à la religion. Jusque alors, les fautes qui m’avoient été personnelles, et qui n’étoient retombées que sur moi, m’avoient peu frappé ; mais quand je me trouvai la cause du malheur d’autrui, mon cœur se révolta contre moi. Je ne balançai plus. Clair arriva : je tombai à ses genoux ; je lui fis la confession des iniquités de ma vie. Il m’embrassa avec des transports de joie, et m’imposa une partie de cette pénitence, non assez rigoureuse, dont vous voyez la suite aujourd’hui.

« Les fièvres de l’âme sont semblables à celles du corps : pour les guérir, il faut surtout changer de lieux. Je résolus de quitter l’Armorique, de renoncer au monde et d’aller pleurer mes erreurs sous le toit de mes pères. Je renvoyai à Constance les marques de mon pouvoir, en le priant de me permettre d’abandonner le siècle et les armes. César essaya de me retenir par toutes sortes de moyens : il me nomma préfet du prétoire des Gaules, dignité suprême dont l’autorité s’étend sur l’Espagne et sur les îles des Bretons. Mais Constance, s’apercevant que j’étois ferme dans mes projets, m’écrivit ces mots pleins de sa douceur accoutumée :

« Je ne puis vous accorder moi-même la grâce que vous me deman-