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« Séphora, dit-il, je veux offrir le saint sacrifice pour Eudore, quand il aura fini de raconter son histoire. Me pourriez-vous faire préparer l’autel ? »

Séphora se leva, et ses filles la suivirent. La timide Cymodocée n’osa rester seule avec les vieillards : elle accompagna les femmes, non sans éprouver un mortel regret.

Démodocus, qui la voyoit passer comme une biche légère sur le gazon du verger, s’écria plein de joie :

« Quelle gloire peut égaler celle d’un père qui voit son enfant croître et s’embellir sous ses yeux ! Jupiter même aima tendrement son fils Hercule : tout immortel qu’il est, il ressentit des craintes et des angoisses mortelles, parce qu’il avoit pris le cœur d’un père. Cher Eudore, tu causes les mêmes alarmes et les mêmes plaisirs à tes parents ! Continue ton histoire. J’aime, je l’avouerai, tes chrétiens : enfants des prières, ils viennent partout, comme leurs mères, à la suite de l’injure, pour réparer le mal qu’elle a fait. Ils sont courageux comme des lions et tendres comme des colombes ; ils ont un cœur paisible et intelligent : c’est bien dommage qu’ils ne connoissent pas Jupiter ! Mais, Eudore, je parle encore, malgré le désir que j’ai de t’entendre. Mon fils, tels sont les vieillards : lorsqu’ils ont commencé un discours, ils s’enchantent de leur propre sagesse ; un dieu les pousse, et ils ne peuvent plus s’arrêter. »

Eudore reprit la parole :


fin du livre neuvième.