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PRÉFACE
de la première et de la seconde édition

J’ai avancé, dans un premier ouvrage, que la religion chrétienne me paroissoit plus favorable que le paganisme au développement des caractères et au jeu des passions dans l’épopée. J’ai dit encore que le merveilleux de cette religion pouvoit peut-être lutter contre le merveilleux emprunté de la mythologie. Ce sont ces opinions, plus ou moins combattues, que je cherche à appuyer par un exemple.

Pour rendre le lecteur juge impartial de ce grand procès littéraire, il m’a semblé qu’il falloit chercher un sujet qui renfermât dans un même cadre le tableau des deux religions, la morale, les sacrifices, les pompes des deux cultes ; un sujet où le langage de la Genèse pût se faire entendre auprès de celui de l’Odyssée ; où le Jupiter d’Homère vînt se placer à côté du Jehovah de Milton, sans blesser la piété, le goût et la vraisemblance des mœurs.

Cette idée conçue, j’ai trouvé facilement l’époque historique de l’alliance des deux religions.

La scène s’ouvre au moment de la persécution excitée par Dioclétien, vers la fin du IIIe siècle. Le christianisme n’étoit point encore la religion dominante de l’empire romain, mais ses autels s’élevoient auprès des autels des idoles.

Les personnages sont pris dans les deux religions : je fais d’abord connoître ces personnages ; le récit montre ensuite l’état du christianisme dans le monde connu, à l’époque de l’action ; le reste de l’ouvrage développe cette action, qui se rattache par la catastrophe au massacre général des chrétiens.