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IV.

CLARISSE.

imitation d’un poete écossais.


Londres, 1797.


Oui, je me plais, Clarisse, à la saison tardive,
— Image de cet âge où le temps m’a conduit ;
Du vent à tes foyers j’aime la voix plaintive
Durant la longue nuit.

Philomèle a cherché des climats plus propices ;
Progné fuit à son tour : sans en être attristé,
Des beaux jours près de toi retrouvant les délices,
Ton vieux cygne est resté.

Viens dans ces champs déserts où la bise murmure
Admirer le soleil, qui s’éloigne de nous ;
Viens goûter de ces bois qui perdent leur parure
Le charme triste et doux.

Des feuilles que le vent détache avec ses ailes
Voltige dans les airs le défaillant essaim :
Ah ! puissé-je en mourant me reposer comme elles
Un moment sur ton sein !

Pâle et dernière fleur qui survit à Pomone,
La veilleuse[1] en ces prés peint mon sort et ma foi :
De mes ans écoulés tu fais fleurir l’automne.
Et je veille pour toi.

Ce ruisseau, sous tes pas, cache au sein de la terre
Son cours silencieux et ses flots oubliés :
Que ma vie inconnue, obscure et solitaire,
Ainsi passe à tes pieds !

  1. Nom populaire du colchique.