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AVIS
sur la troisième édition d’atala.

J’ai profité de toutes les critiques pour rendre ce petit ouvrage plus digne des succès qu’il a obtenus. J’ai eu le bonheur de voir que la vraie philosophie et la vraie religion sont une même chose, car des personnes fort distinguées, qui ne pensent pas comme moi sur le christianisme, ont été les premières à faire la fortune d’Atala. Ce seul fait répond à ceux qui voudroient faire croire que la vogue de cette anecdote indienne est une affaire de parti. Cependant j’ai été amèrement, pour ne pas dire grossièrement, censuré ; on a été jusqu’à tourner en ridicule cette apostrophe aux Indiens[1] :

« Indiens infortunés, que j’ai vus errer dans les déserts du Nouveau-Monde avec les cendres de vos aïeux ; vous qui m’aviez donné l’hospitalité, malgré votre misère ! je ne pourrois vous l’offrir aujourd’hui, car j’erre ainsi que vous à la merci des hommes, et, moins heureux dans mon exil, je n’ai point emporté les os de mes pères. »

Les cendres de ma famille confondues avec celles de M. de Malesherbes, six ans d’exil et d’infortunes, n’ont donc paru qu’un sujet de plaisanterie ! Puisse le critique n’avoir jamais à regretter les tombeaux de ses pères !

Au reste, il est facile de concilier les divers jugements qu’on a portés d’Atala : ceux qui m’ont blâmé n’ont songé qu’à mes talents, ceux qui m’ont loué n’ont pensé qu’à mes malheurs.

AVIS
sur la cinquième édition d’atala.

Depuis quelque temps il a paru de nouvelles critiques d’Atala. Je n’ai pu en profiter dans cette cinquième édition. Les conseils qu’on m’a fait l’honneur de m’adresser auraient exigé trop de changements, et le public semble maintenant accoutumé à ce petit ouvrage avec tous ses défauts. Cette nouvelle édition est donc parfaitement semblable à la quatrième ; j’ai seulement rétabli dans quelques endroits le texte des trois premières.


  1. Décade philosophique, n° 22, dans une note.