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Il est sans doute permis à présent, sous un gouvernement qui ne proscrit aucune opinion paisible, de prendre la défense du christianisme. Il a été un temps où les adversaires de cette religion avoient seuls le droit de parler. Maintenant la lice est ouverte, et ceux qui pensent que le christianisme est poétique et moral peuvent le dire tout haut, comme les philosophes peuvent soutenir le contraire. J’ose croire que si le grand ouvrage que j’ai entrepris, et qui ne tardera pas à paroître, étoit traité par une main plus habile que la mienne, la question seroit décidée.

Quoi qu’il en soit, je suis obligé de déclarer qu’il n’est pas question de la révolution dans le Génie du Christianisme : en général, j’y ai gardé une mesure que, selon toutes les apparences, on ne gardera pas envers moi.

On m’a dit que la femme célèbre[1] dont l’ouvrage formoit le sujet de ma lettre s’est plainte d’un passage de cette lettre. Je prendrai la liberté de faire observer que ce n’est pas moi qui ai employé le premier l’arme que l’on me reproche et qui m’est odieuse ; je n’ai fait que repousser le coup qu’on portoit à un homme dont je fais profession d’admirer les talents et d’aimer tendrement la personne. Mais dès lors que j’ai offensé, j’ai été trop loin : qu’il soit donc tenu pour effacé, ce passage. Au reste, quand on a l’existence brillante et les talents de Mme de Staël, on doit oublier facilement les petites blessures que nous peut faire un solitaire et un homme aussi ignoré que je le suis.

Je dirai un dernier mot sur Atala : le sujet n’est pas entièrement de mon invention ; il est certain qu’il y a eu un sauvage aux galères et à la cour de Louis XIV ; il est certain qu’un missionnaire françois a fait les choses que j’ai rapportées ; il est certain que j’ai trouvé dans les forêts de l’Amérique des sauvages emportant les os de leurs aïeux et une jeune mère exposant le corps de son enfant sur les branches d’un arbre. Quelques autres circonstances aussi sont véritables, mais comme elles ne sont pas d’un intérêt général, je suis dispensé d’en parler.


  1. Madame de Staël.