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Carrill s’avance au milieu des salles de la fête, appuyé d’une main sur son bâton blanc, de l’autre portant sa harpe ; derrière lui marche le jeune barde de Duthona qu’Ossian et Gormalon avoient trouvé sur le rivage pendant la nuit. Tout à coup son armure tombe à terre ; il lève une main pour cacher son trouble. Quelle est cette main si blanche ? Ce visage sourit si gracieusement à travers les boucles de ses beaux cheveux ! « Niala ! s’écria Connar, est-ce toi ? » Elle jette ses bras charmants autour de son père ; la joie revient au banquet des guerriers. Connar donna la beauté à Gormalon, et nous déployâmes nos voiles et nos chants pour Morven. Ossian est seul aujourd’hui dans les ruines des tours de Fingal, et l’épouse de mon Oscar, Malvina, la douce Malvina, ne sourira plus à son père.

Vallée de Cona, les sons de la harpe ne se font plus entendre le long de tes ruisseaux, dont la voix s’élève à peine sur les collines silencieuses. La biche dort sans frayeur dans la hutte abandonnée du chasseur ; le faon bondit sur la tombe guerrière, dont il creuse la mousse avec ses pieds. Je suis resté seul de ma race : je n’ai plus qu’un jour à passer dans un monde qui ne me connaît plus.

fin de duthona