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cours des choses, ne sont pas moins sanglantes ; mais, fléau d'un moment, elles ne fondent, elles ne créent rien ; tout au plus elles peuvent exterminer.

Les Stuarts ont passé, les Bourbons resteront, parce qu'en nous rapportant leur gloire, ils ont adopté les libertés récentes, douloureusement enfantées par nos malheurs. Charles II débarqua à Douvres les mains vides : il n'avait dans ses bagages que des vengeances et le pouvoir absolu : Louis XVIII s'est présenté à Calais, tenant d'une main l'ancienne loi, de l'autre la loi nouvelle avec l'oubli des injures et le pouvoir constitutionnel : il était à la fois Charles II et Guillaume III ; la légitimité déshéritait l'usurpation. Le loyal Charles X, imitant son auguste frère, n'a voulu ni changer le culte national, ni détruire ce qu'il avait juré de maintenir. Alors le drame de la révolution s'est terminé ; la France entière s'est reposée avec joie, amour et reconnaissance, sous la protection de ses anciens monarques. Tout a été renversé par la tempête autour du trône de saint Louis, et ce trône est demeuré debout : il s'élève au coeur de la France comme ces antiques et vénérables ouvrages de la patrie, comme ces vieux monuments des siècles qui dominent les édifices modernes, et au pied desquels vient se jouer la jeune postérité.

Retournons au roi Jacques : que devint-il ? « Le lendemain, jour que le roi d'Angleterre arrivait, le roi l'alla attendre à Saint-Germain dans l'appartement de la reine. Sa Majesté y fut une demi-heure ou trois quarts d'heure avant qu'il arrivât : comme il était dans la garenne, on le vint dire à Sa Majesté, et puis on vint avertir quand il arriva dans le château. Pour lors Sa Majesté quitta la reine d'Angleterre, et alla à la porte de la salle des gardes au-devant de lui. Les deux rois s'embrassèrent fort tendrement, avec cette différence que celui d'Angleterre, y conservant l'humilité d'une personne malheureuse, se baissa presque aux genoux du roi. Après cette première embrassade, au milieu de la salle des gardes, ils se reprirent encore d'amitié, et puis, en se tenant la main serrée, le roi le conduisit à la reine, qui était dans son lit. Le roi d'Angleterre n'embrassa point sa femme, apparemment par respect.

« Quand la conversation eut duré un quart d'heure, le roi mena le roi d'Angleterre à l'appartement du prince de Galles. La figure du roi d'Angleterre n'avait pas imposé aux courtisans : ses discours firent encore moins d'effet que sa figure. Il conta au roi dans la chambre du prince de Galles, où il y avait quelques courtisans, le plus gros des choses qui lui étaient arrivées, et il les conta si mal, que les courtisans ne voulurent point se souvenir qu'il était Anglais, que par conséquent il parlait