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qu'il exerça sur la destinée de Charles et de Jacques : en même temps qu'il encourageait le souverain à l'arbitraire, il poussait les sujets à l'indépendance, dans la petite vue de tout brouiller et de rendre l'Angleterre impuissante au dehors. Les ministres de Charles et les membres les plus remarquables de l'opposition du parlement étaient pensionnaires du grand roi.

L'église épiscopale se mêlait de toutes les transactions : proscrite durant les derniers troubles par des fanatiques, l'intérêt et la vengeance l'avaient rendue à son tour fanatique. Infecté de cet esprit de réaction, le parlement voulait l'uniformité du culte, et persécutait également catholiques et presbytériens, bien qu'un bon nombre des membres de ce parlement n'eut aucune croyance. Sous le règne de Charles Ier, la politique n'avait été que l'instrument de la religion : sous le règne de Charles II, la religion ne fut que l'instrument de la politique. Les principes avaient changé de place, et par la manière dont ils s'étaient coordonnés, ils conduisaient plus directement à la liberté civile, tout en opprimant la liberté de conscience. Les indépendants avaient disparu : la cour était déiste ou athée.

En 1673, le parlement passa l'acte du test ; précaution prise dans l'avenir contre le duc d'York, comme papiste. Effet miraculeux, et toutefois naturel, de la marche des siècles ! ce fameux acte, qui servit à précipiter les Stuarts et qui devint la sauvegarde d'une nouvelle dynastie, s'abolit au moment même où je trace ces mots. L'abolition n'est pas encore pleine et entière, mais elle ne peut tarder à le devenir. Si la race des Stuarts n'était pas éteinte, elle ne trouverait plus dans sa religion d'obstacle à remonter sur le trône : en trouverait-elle dans sa politique ? Tout est là aujourd'hui pour les peuples et pour les rois.

Une prétendue conspiration découverte par l'infâme Titus Oates compromit la reine dont le parlement alla jusqu'à demander l'exil, et envoya au gibet quelques jésuites. Shaftesbury, flatteur de Cromwell et instrument de la restauration, homme d'un esprit, d'un caractère et d'un talent assez semblables à ceux du cardinal de Retz, Shaftesbury, père d'un fils célèbre, passait d'une intrigue à l'autre. Un bill, ouvrage de son antipathie plus que de sa conviction, fut présenté à la chambre des communes pour exclure le duc d'York de la succession à la couronne ; la chambre des pairs repoussa le bill. Les communes s'indignèrent ; Charles casse le parlement, en convoque un autre à Oxford : celui-ci, plus séditieux que l'autre, représente le bill rejeté. Charles brise de nouveau le parlement, dépouille Londres et quelques villes municipales de leurs chartes, règne jusqu'à sa mort