Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 10.djvu/438

Cette page n’a pas encore été corrigée

assurance et sérénité d'âme, dans son lit. » Paroles qui s'appliquaient mieux à Charles Ier, excepté les trois dernières.

La figure en cire fut ensuite mise debout sur une estrade, comme pour annoncer une résurrection, ou, comme disaient les indépendants, indignés de ces pompes papistes, pour représenter le passage d'une âme du purgatoire dans le paradis. Le 23 novembre, l'image de cire fut couchée de nouveau, mais dans un beau cercueil qu'enlevèrent dix gentilshommes pour le placer sur un char ; le tout s'en alla en pompe à Westminster : lord Claypole menait le cheval de Cromwell. Le cercueil fut déposé dans la chapelle de Henri VII. On ne voit plus aujourd'hui l'effigie de Cromwell à Westminster, mais celle de Monk : on y cherche vainement aussi les cendres du Protecteur.

On se plut à dire et à écrire, au moment de la restauration de Charles II, que Cromwell, prévoyant les outrages qu'on pourrait faire à ses restes, avait ordonné qu'on précipitât son corps dans la Tamise, ou qu'on l'enterrât sur le champ de bataille de Naseby, à neuf pieds de profondeur : Barkstead, régicide, lieutenant de la Tour et protégé de Cromwell, aurait, disait-on, fait exécuter cet ordre par son fils. On racontait enfin que les corps de Charles Ier et de Cromwell, échangés, avaient été transportés de l'un à l'autre tombeau ; de sorte que Charles II, dans sa vengeance, aurait pendu au gibet le corps de son propre père, au lieu de celui de l'assassin de son père. Ces noires imaginations anglaises disparaissent devant les faits : si l'on ne vit que l'image de cire du Protecteur à la pompe funèbre, c'est que l'état des chairs, malgré l'embaumement, obligea de porter le cadavre à Westminster avant la cérémonie publique : l'enterrement précéda les funérailles. Le corps de Charles Ier, retrouvé de nos jours à Windsor, prouve que le meurtrier n'était pas allé dormir dans la couche du meurtri, et que, satisfait de lui avoir ravi la couronne, il lui laissa son cercueil.

S'il fallait des témoignages de plus, nous dirions que l'on conserve la plaque de cuivre dorée trouvée sur la poitrine de Cromwell lors de l'ouverture de sa tombe à Westminster. Cette plaque, renfermée dans une boîte de plomb, fut remise à Norfolk, sergent d'armes de la chambre des communes. Elle porte cette inscription :

Oliverius, Protector reipublicae Angliae, Scotiae et Hiberniae, natus 25 o aprilis anno 1599 o, inauguratus 16 o decembris 1653 o, mortuus 3 o septembris anno 1658 o, hic situs est .

Une autre preuve de l'exhumation nous reste : la redoutable histoire a gardé dans le trésor de ses Chartes la quittance du maçon qui brisa,