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de Dublin, pour 1 000 dans celui de Kilkenny, pour 800 dans le comté de Wexford, et pour 600 dans les divers comtés de la province de Leinster. Des colonies militaires eurent en partage les terres situées aux environs de Slego, de Colke et de Collel. Les naturels du sol devinrent les serfs des soldats anglais dans le Connaught.

Olivier étendit son autorité protectrice jusque sur les Vaudois, dans les montagnes de la Suisse. Le frère de l'ambassadeur de Portugal à Londres tua un Anglais ; Cromwell le fit décapiter. Le fier usurpateur signant un traité mit son nom au-dessus de celui de Louis XIV. En 1657, il envoya son portrait à la reine Christine, avec un distique qui disait que le front de Cromwell n'était pas toujours l'épouvante-roi .

C'est de cet orgueil du Protecteur qu'est née la superbe affectée par nos voisins pendant un siècle et demi, et qui n'a disparu qu'avec les victoires de notre révolution : elles nous ont remis au niveau de la révolution anglaise.

Pourtant Cromwell ne fut pas heureux ; toute sa puissance ne put empêcher la vérité de faire entendre sa voix. Quand il descendait en lui-même, il trouvait toujours qu'il avait tué le roi ou la liberté ; il lui fallait opter entre l'un ou l'autre remords.

Le Protecteur racontait que dans son enfance une femme lui était apparue ; elle lui avait annoncé, comme les magiciennes de Macbeth, qu'il serait roi. La conscience de Cromwell lui présenta lorsqu'il était encore innocent la vision de la royauté ; quand il devint coupable, elle lui en envoya le fantôme. Placé entre les royalistes et les républicains, qui le menaçaient également, Olivier était peu satisfait du titre équivoque dont la légitimité et la liberté l'avaient obligé de se contenter. Plusieurs conspirations des cavaliers éclatèrent : celles de Bagnal, fils de lady Terringham, de Penruddock, du capitaine Grove, du docteur Hervet, et de sir Henry Slingsby. Quelques hommes de la cinquième monarchie s'agitèrent aussi : un cornette, nommé Day, était de l'assemblée républicaine de Coleman-Street, où l'on traitait Cromwell de coquin et de traître. Quelques régicides suspects furent enfermés dans ce château de Carisbrook, qui avait servi de prison à Charles Ier. Les juges, et surtout les jurés, contrariaient le despotisme du Protecteur, qui retrouvait la liberté retranchée derrière cette barrière. Olivier était alors obligé de chercher les tribunaux naturels à son gouvernement, les conseils de guerre et les commissions.

Les brochures politiques, une pétition signée de plusieurs officiers, un libelle intitulé le Memento, surtout le fameux écrit Killing no murder (tuer n'est pas assassiner), achevèrent de troubler le repos de Cromwell. Le colonel Titus, sous le nom de William Allen, était