toutes ces folies, les nouvelles moeurs se formaient et les institutions prenaient racine. Ces caractères n'étaient si ridicules que parce qu'ils étaient originaux ; or tout ce qui est fortement constitué a un principe de vie. Les courtisans de Charles second purent rire, mais ces fanatiques de bonne foi laissèrent une arrière-postérité qui a fait raison des courtisans.
Whitelocke prétend que quelques hommes éclairés et d'un rang élevé se trouvaient dans le parlement Barebone. Ludlow représente les décharnés comme un troupeau d'honnêtes niais, ressemblant assez à nos théophilanthropes. Whitelocke était un parlementaire timide, qui avait fui de peur de condamner Charles Ier, et qui se rangeait toujours du parti le plus fort ; Ludlow était un parlementaire décidé, meurtrier du roi et ennemi de Cromwell.
Cinq mois s'étaient à peine écoulés lorsque les cent quarante-quatre saints, ne pouvant plus gouverner au milieu de la risée publique, chargèrent Rouse, leur orateur, créature de Cromwell, de remettre l'autorité entre les mains de celui qui les en avait revêtus. Cromwell l'avait prévu : il accepta en gémissant le poids de l'autorité souveraine.
Quelques pauvres d'esprit qui n'étaient pas de la faction militaire s'obstinèrent à siéger, malgré la désertion de l'orateur et du sergent qui avait emporté la masse. Le capitaine White entra dans la chambre, et demanda à ces saints entêtés ce qu'ils faisaient là (12 décembre l653). « Nous cherchons le Seigneur », répondirent-ils. « Allez donc ailleurs, s'écria White ; le Seigneur n'a pas fréquenté ce lieu depuis longues années ; » et il les fit chasser par ses sbires. Le véritable principe républicain existait pourtant alors dans l'armée anglaise plus que dans les autorités civiles ; mais il ne peut y avoir d'alliance durable entre le pouvoir constitutionnel et l'autorité militaire : quand la liberté se réfugie à l'autel de la victoire, elle y est bientôt immolée ; on la sacrifie pour obtenir le vent de la fortune.
Tous les différents partis, excepté celui des saints et celui des républicains véritables, le parti du roi, le parti de l'épiscopat, le parti militaire, le parti des gens de loi qui avaient craint la réforme des coutumes et la simplification du code de procédure ; tous les intérêts, toutes les ambitions, toutes les corruptions, toutes les lassitudes applaudissaient aux entreprises de Cromwell : il fut complimenté par l'armée, la flotte, les autorités civiles. On attendait avec anxiété et curiosité ce qu'il allait faire du pouvoir : sa fabrique était toute prête et ses ouvriers à l'oeuvre.
Le conseil des officiers est convoqué. Le major général Lambert lit un écrit intitulé : Instrument de gouvernement . C'était une constitution qui plaçait