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Cromwell, malgré les prétentions de Lambert et de Fairfax, fut nommé au gouvernement militaire et civil d'Irlande. Il partit accompagné d'Ireton, son gendre, après avoir cherché le Seigneur devant Harrison et expliqué les Ecritures.

Il aborde à l'île dévouée avec dix-sept mille vétérans et une garde particulière de quatre-vingts hommes, tous officiers. Tredall est emporté d'assaut ; Cromwell monte lui-même à la brèche : tout périt du côté des Irlandais. Le commandant, sir Arthur Ashton, est tué. Ce vieux militaire avait une jambe artificielle ; elle passait pour être d'or : les soldats républicains se disputèrent cette jambe royaliste, qui n'était que le trésor de bois de l'honneur et de la fidélité.

Wexford est saccagé, Goran rendu par les soldats ; les officiers sont fusillés. Kilkenny, Youghall, Cooke, Kingsale, Colonmell, Dungarvan et Carrik se soumettent. Cromwell et Ireton portent à l'Irlande, comme ils l'avaient annoncé, l'extermination et l'enfer.

Cromwell, au milieu de ses victoires, est rappelé pour repousser les Ecossais : ceux-ci s'étaient décidés à reconnaître les droits de Charles second ; et bien qu'ils eussent pendu le royaliste Montross, parce qu'il n'était pas covenantaire, ils étaient eux-mêmes royalistes. Rien de plus commun que ces inconséquences des partis dans les discordes civiles.

Les négociations entre Charles II et les Ecossais avaient été plusieurs fois interrompues. Charles, enfin, privé de toutes ressources, s'était rendu à Edimbourg : là il avait repris le sceptre de Marie Stuart, à la charge de publier cette déclaration déshonorante :

« Que son père avait péché en prenant femme dans une famille idolâtre ;

« Que le sang versé dans les dernières guerres devait être imputé à son père ;

« Qu'il avait une profonde douleur de la mauvaise éducation qu'on lui avait donnée, et des préjugés qu'on lui avait inspirés contre la cause de Dieu, et dont il reconnaissait à présent l'injustice ;

« Que toute sa vie précédente n'avait été qu'un cours suivi d'inimitié contre l'oeuvre de Dieu ;

« Qu'il se repentait de la commission donnée à Montross, et de toutes ses actions qui avaient pu scandaliser ;

« Qu'il protestait devant Dieu qu'il était à présent sincère dans cette déclaration, et qu'il s'y tiendrait jusqu'à son dernier soupir, tant en Ecosse qu'en Angleterre et en Irlande. »

Cependant Charles II n'était ni sans honneur ni sans courage. Jeune encore, il avait combattu pour son père, à la tête des forces de