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LA RÉPUBLIQUE

ET LE PROTECTORAT.

1649-1658.


Deux effets furent produits en Angleterre par l’exécution de Charles. D’une part, les hommes de bien furent consternés ; il y eut des douleurs profondes, des morts subites causées par ces douleurs ; et comme la nation était religieuse, il y eut aussi des remords. L’Eikon Basiliké fit regretter Charles Ier, de même que le testament de Louis XVI a fait admirer ce dernier roi. L’Eikon Basiliké n’était point de Charles : le docteur Gauden en est aujourd’hui reconnu l’auteur. Milton eut l’odieuse commission d’éclaircir ce point de critique : toute la sublimité de son génie, appuyé de la vérité du fait, ne put néanmoins triompher d’une imposture, ouvrage d’un esprit commun, mais fondée sur la vérité du malheur.

Que reste-t-il aujourd’hui de toutes ces douleurs en Angleterre ? Une cérémonie établie par Charles second, et qui se célèbre le 30 janvier de chaque année. On est censé jeûner, et l’on ne jeûne point ; les spectacles sont fermés, et l’on se divertit dans les salons et dans les tavernes ; la bourse est aussi fermée, au grand ennui des spéculateurs, qui se soucient fort peu de trouver sur le chemin de leur fortune ou de leur ruine la tête d’un roi. Les siècles n’adoptent point ces legs de deuil ; ils ont assez de maux à pleurer, sans se charger de verser encore des larmes héréditaires.

D’une autre part, la confusion se répandit dans les trois royaumes, après la mort de Charles Ier. Chacun avait un plan de république et de religion. Les Millénaires, ou les hommes de la cinquième monarchie, demandaient la loi agraire et l’abolition de toute forme de gouvernement, afin d’attendre le gouvernement prochain du Christ ; il n’y avait, d’après eux, d’autre charte que l’Ecriture. Les Antoniniens prétendaient que la loi morale était détruite, que chacun se devait conduire