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« Pour le peuple, certainement je désire autant sa liberté et franchise que qui que ce soit ; mais il faut que je vous dise qu'elle consiste à être conservée par les lois, par lesquelles ils soient assurés de leur vie et de leurs biens : ce n'est pas qu'il faille qu'ils aient part au gouvernement, messieurs ; cela ne leur appartient pas. Un souverain et un sujet sont bien différents l'un de l'autre, et partant jusques à ce que vous fassiez cela (je veux dire que vous mettiez le peuple en cette sorte de liberté), certainement ils n'en auront jamais.

« Messieurs, c'est pour ce sujet que je suis ici. Si j'eusse voulu donner lieu à un arbitrage, afin de changer les lois suivant la puissance du glaive, j'eusse pu éviter ceci, et partant je vous dis (et prie Dieu qu'il en détourne son châtiment de dessus vous) que je suis martyrisé pour le peuple.

« Véritablement, messieurs, je ne vous tiendrai pas plus longtemps ; je vous dirai seulement que j'eusse bien pu demander quelque peu de temps pour mettre ceci en meilleur ordre, et le digérer mieux ; partant j'espère que vous m'excuserez.

« J'ai déchargé ma conscience ; je prie Dieu que vous preniez les voies les plus propres pour le bien du royaume et votre propre salut. »

« Alors le sieur Juxon dit au roi : « Plaît-il à Votre Majesté (encore que l'affection qu'elle a pour la religion soit assez connue) de dire quelque chose pour la satisfaction du peuple ? »

- " Je vous remercie de tout mon coeur, monseigneur, parce que je l'avais presque oublié. Certainement, messieurs, je crois que ma conscience et ma religion est fort bien connue de tout le monde, et partant je déclare devant vous tous que je meurs chrétien, professant la religion de l'Eglise anglicane, en l'état que mon père l'a laissée, et je crois que cet honnête homme (en montrant le sieur Juxon) le témoignera. »

« Puis, se tournant vers les officiers, dit : « Messieurs, excusez-moi en ceci, ma cause est juste et mon Dieu est bon ; je n'en dirai pas davantage. »

« Puis il dit au colonel Hacker : « Ayez soin, s'il vous plaît, que l'on ne me fasse point languir. »

« Et alors un gentilhomme approchant auprès de la hache, le roi lui dit : « Prenez garde à la hache, je vous prie ; prenez garde à la hache. »

« Ensuite de quoi, le roi parlant à l'exécuteur, dit : « Je ferai ma prière fort courte, et lorsque j'étendrai les bras... »

« Puis le roi demanda son bonnet de nuit au sieur Juxon, et l'ayant mis sur sa tête, il dit à l'exécuteur : « Mes cheveux vous empêchent-