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ont commis un grand péché en cette occurrence. Je prie Dieu avec saint Etienne qu'ils n'en reçoivent pas la punition ; non-seulement cela, mais encore qu'ils puissent prendre la vraie voie d'établir la paix dans le royaume ; car la charité me recommande non-seulement de pardonner aux personnes particulières, mais aussi de tâcher jusqu'à mon dernier soupir de mettre la paix dans le royaume.

« Ainsi, messieurs, je le souhaite de toute mon âme et espère qu'il y a quelques-uns ici [1] qui le feront connaître plus loin, afin d'aider à la pacification du royaume.

« Maintenant, messieurs, il vous faut faire voir comme vous êtes en un mauvais chemin, et vous remettre en un meilleur. Premièrement, pour vous montrer que vous vous détournez de la justice, je vous dirai que tout ce que vous avez jamais fait, à ce que j'en ai pu concevoir, a été par voie de conquête ; certainement c'est une fort mauvaise voie : car une conquête. messieurs, n'est jamais juste, s'il n'y a quelque bonne et légitime cause, soit pour quelque tort reçu, ou en ayant droit légitime ; et alors si vous outrepassez cela, la première contestation que vous en avez rend votre cause injuste à la fin, quoiqu'elle fût juste au commencement ; mais si ce n'est que par conquête, c'est une grande volerie, comme un pirate reprocha un jour à Alexandre qu'il était le grand voleur ; et pour lui, qu'il se contentait d'avoir le nom de petit. De sorte, messieurs, que je trouve la voie que vous prenez fort mauvaise à présent. Messieurs, pour vous mettre en un bon chemin, soyez assurés que vous ne ferez jamais bien, et que Dieu ne vous assistera jamais, que vous ne donniez à Dieu ce qui appartient à Dieu et au roi ce qui appartient au roi (je veux dire à mes successeurs) et au peuple. Je suis autant pour le peuple qu'aucun de vous. Il vous faut donner à Dieu ce qui appartient à Dieu, en réglant son Eglise droitement (selon l'Ecriture), laquelle est à présent en désordre. Pour vous en dire la voie en détail présentement, je ne le puis faire ; je vous dirai seulement qu'il serait bon d'assembler un synode national, où chacun pourrait disputer avec toute liberté, et que les opinions qui paraîtraient évidemment bonnes fussent suivies.

« Quant au roi, en vérité, je ne le veux pas... » Puis se tournant, vers un gentilhomme qui touchait la hache, dit : « Ne gâtez pas la hache [2] . » « Quant au roi, les lois du royaume vous en instruisent clairement, et partant, d'autant que cela me touche en particulier, je ne vous en dis qu'un mot en passant.

  1. Se tournant vers quelques gentilshommes qui écriraient ce qu'il disait.
  2. Voulant dire qu'il n'en gâtât pas le tranchant.