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RELATION VÉRITABLE

DE LA MORT DU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE

AVEC

LA HARANGUE FAITE PAR SA MAJESTÉ SUR L’ÉCHAFAUD
IMMÉDIATEMENT AVANT SON EXÉCUTION


Le vingt-neuvième jour de janvier, sur les dix heures du matin, le roi fut conduit de Saint-James, à pied, par dedans le parc, au milieu d’un régiment d’infanterie, tambour battant et enseignes déployées, avec sa garde ordinaire, armée de pertuisanes, quelques-uns de ses gentilshommes devant et après lui, la tête nue ; le sieur Juxon, docteur en théologie, ci-devant évêque de Londres, le suivait, et le colonel Thomlinson, qui avait la charge de Sa Majesté, parlant à lui la tête nue, depuis le parc de Saint-James, au travers de la galerie de Whitehall, jusques en la chambre de son cabinet[1], où il couchait ordinairement et faisait ses prières : où étant arrivé il refusa de dîner, pour autant que (ayant communié une heure avant) il avait bu ensuite un verre de vin et mangé un morceau de pain.

« De là il fut accompagné par ledit sieur Juxon, le colonel Thomlinson et quelques autres officiers qui avaient charge de le suivre, et de sa garde du corps, environné de mousquetaires depuis la salle à banqueter joignant laquelle l’échafaud[2] était dressé, tendu de deuil, avec la hache et le chouquet au milieu. Plusieurs compagnies de cavalerie et d’infanterie étaient rangées aux deux côtés de l’échafaud, avec confusion de peuple pour voir ce spectacle. Le roi étant monté sur l’échafaud jeta les yeux attentivement sur la hache et le chouquet, et demanda au colonel Hacker s’il n’y en avait point de plus haut, puis

  1. Le roi avait demandé le cabinet et la petite chambre prochaine. (Cette note et les suivantes sont de l’auteur de la Relation. N.d.A.)
  2. C’était proche ou en ce lieu-là même que fut tué un bourgeois et trente blessés ; premier sang de cette dernière guerre.