aller au supplice (10 janvier 1645). Ce prélat inflexible avait fait beaucoup de mal à Charles, en l'entêtant de la suprématie épiscopale, en persuadant au roi d'entreprendre ce qu'il n'avait pas la force d'accomplir. Laud, courbé sur son bâton pastoral, était naturellement si près du terme de sa course, qu'on aurait pu se dispenser de hâter le pas du vieux voyageur. « Agé de soixante-seize ans, vénérable par ses vertus, il regarda la mort sans tomber dans la pusillanimité des vieillards qui, du bord de leur tombeau, font des voeux au ciel pour en obtenir quelques malheureux moments qu'ils veulent attacher au grand nombre de leurs années [1] . »
Battu de toutes parts, défait complètement à Naseby (juin 1645), Charles crut trouver un asile parmi ses véritables compatriotes : il quitta Oxford, où il s'était réfugié, et s'alla rendre à l'armée écossaise, avec les chefs de laquelle il avait secrètement traité. On le conduisit à Newcastle, où s'ouvrirent de nouvelles négociations. Des commissaires du gouvernement anglais arrivèrent : tout le monde pressait Charles d'accepter les conditions proposées : les Ecossais ou les saints (c'est ainsi qu'ils se nommaient), les presbytériens effrayés des indépendants, l'ambassadeur de France, Bellièvre, la reine même absente, mais se faisant entendre par l'intermédiaire de Montreuil. Charles refusa l'arrangement, parce qu'il blessait les principes de sa croyance. A cette époque la foi était partout, excepté chez un petit nombre de libertins et de philosophes ; elle imprimait aux fautes et quelquefois aux crimes des divers partis quelque chose de grave, de moral même, si l'on ose dire, en donnant à la victime de la politique la conscience du martyr, et à l'erreur la conviction de la vérité.
Un ministre écossais prêchant devant Charles commença le psaume 51 : Pourquoi, tyran, te vantes-tu de ton iniquité ? Charles se leva, et entonna le psaume 56 : Seigneur, prends pitié de moi, car les hommes me veulent dévorer . Le peuple, attendri, continua le cantique avec le souverain tombé : l'un et l'autre ne s'entendaient plus qu'à travers la religion.
Ces marques de pitié s'évanouirent ; les saints d'Ecosse en vinrent à un marché avec les justes d'Angleterre, et l'armée covenantaire livra Charles au parlement anglais, pour la somme de 800 000 livres sterling. « Les gardes fidèles de nos rois, dit Bossuet, trahirent le leur. » Lorsque Charles fut instruit de la convention, il prononça ces belles et dédaigneuses paroles : « J'aime mieux être au pouvoir de ceux qui m'ont acheté chèrement que de ceux qui m'ont lâchement vendu. »
- ↑ Vie de Henriette de France. (N.d.A.)