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s'y appliquer, il se plongea dans la débauche. Revenu de Londres en province, il se maria à Elisabeth Bourchier, fille de sir James Bourchier, du comté d'Essex. Elle était laide et assez vaine de sa naissance : une seule lettre d'elle, qui nous reste, montre qu'elle avait reçu l'éducation la plus négligée [1] .

Cromwell, qui n'avait que vingt-et-un ans au moment de son mariage, changea subitement de moeurs, entra dans la secte puritaine, et fut saisi de l'enthousiasme religieux, tantôt feint, tantôt vrai, qu'il conserva toute sa vie. Nous verrons plus tard les contrastes de son caractère.

Une succession ayant donné quelque aisance à Cromwell, il devint gentleman farmer dans l'île d'Ely, et fut élu membre du troisième parlement de Charles en 1628. Il ne se fit remarquer que par son ardeur religieuse et par ses déclamations contre les évêques de Winchester et de Winton. Sa voix était aigre et passionnée, ses manières rustiques, ses vêtements sales et négligés. Cromwell était d'une taille ordinaire (cinq pieds cinq pouces environ) ; il avait les épaules larges, la tête grosse et le visage enflammé.

Après la dissolution du parlement de 1628, Cromwell disparaît ; on ne le retrouve qu'à la convocation du parlement de 1640, On sait seulement que les censures de l'intolérance de la chambre étoilée ayant déterminé beaucoup de citoyens à passer à la Nouvelle-Angleterre, Hampden et son cousin Olivier Cromwell résolurent de s'expatrier. Ils avaient choisi pour le lieu de leur résidence, dans des pays sauvages, une petite ville puritaine, fondée en 1635, sous le nom de Say-Brook, par lord Brook et lord Say. Cromwell et Hampden étaient déjà à bord d'un vaisseau sur la Tamise, lorsque cette proclamation les contraignit de débarquer : « Il est défendu à tous marchands, maîtres et propriétaires de vaisseaux de mettre en mer un vaisseau ou des vaisseaux avec des passagers, avant d'en avoir obtenu licence spéciale de quelques-uns des lords du conseil privé de Sa Majesté, chargés des plantations d'outre-mer. »

Hampden et Cromwell, au lieu de s'aller ensevelir dans les déserts de l'Amérique, furent retenus en Angleterre par les ordres de Charles Ier : il n'y a pas dans les annales des hommes un exemple plus frappant de la fatalité.

Obligé de rester en Angleterre par la volonté du roi qu'il devait conduire à l'échafaud, Cromwell, ne sachant où jeter

  1. Il ne faut pourtant pas confondre les fautes d'orthographe et de langue, dans les manuscrits de la première partie du XVIIIe siècle, avec l'orthographe et les langues de cette époque, qui n'étaient pas fixées et variaient encore dans chaque pays, selon les provinces. (N.d.A.)