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parut à la fenêtre ; ses cheveux étaient blancs, des larmes baignaient son visage, deux ecclésiastiques le soutenaient. Strafford se mit à genoux : Laud passa ses mains à travers les barreaux ; il essaya de donner une bénédiction, que l'âge, l'infortune et la douleur ne lui permirent pas d'achever ; il défaillit dans les bras de ses deux assistants.

Strafford se releva, prit la route de l'échafaud où le vieil évêque le devait suivre. Le ministre de Charles marcha au supplice d'un air serein, au milieu des insultes de la populace. Avant de poser le front sur le billot, il prononça ces paroles : « Je crains qu'une révolution qui commence par verser le sang ne finisse par les plus grandes calamités et ne rende malheureux ceux qui l'entreprennent. » Il livra sa tête, et passa à l'éternité (1641).

La révolution précipite son cours ; le roi part pour l'Ecosse ; la conspiration irlandaise éclate et est suivie d'un des plus horribles massacres dont il soit fait mention dans l'histoire ; les chefs du parti puritain saisissent cette occasion pour hâter la marche des événements. Charles revient de l'Ecosse ; le parlement lui présente des remontrances séditieuses, et fait emprisonner les évêques.

Irrité de tant d'affronts, le roi va lui-même accuser de haute trahison dans la chambre des communes les six membres les plus fameux de la faction puritaine. Ceux-ci, prévenus de cette imprudente démarche par une indiscrétion de la reine, se réfugient dans la cité. Une insurrection éclate ; les bruits les plus absurdes se répandent : tantôt c'est la rivière que les cavaliers doivent faire sauter en l'air par l'explosion d'une mine ; tantôt ce sont ces mêmes cavaliers (les royalistes) qui viennent mettre le feu à la demeure des têtes rondes (les parlementaires). Menacée d'un décret d'accusation, la reine force le roi à donner sa sanction à la loi qui privait les évêques du droit de voter. Henriette quitte l'Angleterre ; Charles se retire à York, après avoir refusé d'apposer sa signature au bill relatif à la milice ; bill qui tendait à mettre le pouvoir militaire aux mains de la chambre élective : de part et d'autre on se prépare à la guerre.

On remarque dans la conduite du roi, depuis son avènement au trône jusqu'à l'époque de la guerre civile, cette incertitude qui prépare les catastrophes. Entêté de la prérogative, il se la laissa d'abord arracher par lambeaux, et la livra ensuite toute à la fois ; il était brave : il pouvait en appeler à l'épée, et il ne recourut aux armes que quand ses ennemis eurent acquis le pouvoir de résister ; toutes les voies constitutionnelles lui étaient ouvertes pour agir au nom de la constitution, même contre le parlement, et il n'entra point dans ces voies. Enfin, Charles lutta inutilement contre la force des choses ; son temps l'avait