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des conseils pusillanimes. Bienfaisante et magnanime, elle fit souvent accorder la liberté et la vie à ses ennemis. Elle ne voulait pas même connaître le nom de ses calomniateurs. « Si ces personnes me haïssent, disait-elle, leur haine ne durera peut-être pas toujours, et s'il leur reste quelque sentiment d'honneur, ils auront honte de tourmenter une femme qui prend si peu de précaution pour se défendre. » Les infortunes d'Henriette-Marie avaient été pour ainsi dire prédites par François de Sales, qui reste à notre histoire au triple titre de saint, d'homme illustre et d'ami de Henri IV.

Quoi qu'il en soit des altercations religieuses et domestiques qui troublèrent la paix intérieure de Charles et d'Henriette ; quoi qu'il en soit des causes qui amenèrent la liaison, jusqu'à présent inexplicable, de la reine et des premiers parlementaires, quand les malheurs de Charles éclatèrent, la fille du Béarnais retrouva comme lui dans la guerre civile le courage et la vertu.

Lorsqu'en 1625 elle alla recevoir la couronne de la Grande-Bretagne, la reine Marie de Médicis sa mère, la reine Anne d'Autriche sa belle soeur, l'accompagnèrent jusqu'à Amiens. Toutes les villes sur son passage lui rendaient des honneurs extraordinaires : par une pompe digne de la royauté chrétienne, les prisons étaient ouvertes à son arrivée, et elle voyait devant elle une infinité de malheureux qui la remerciaient de leur liberté et la comblaient de bénédictions [1] . Les trois reines se quittèrent à Amiens. Vingt vaisseaux qui attendaient Henriette de France à Boulogne la transportèrent à Douvres : elle fut reçue au bruit de l'artillerie et aux acclamations du peuple. Il y eut des combats à la barrière, des jeux et des courses de bagues.

Quand la reine d'Angleterre revint en France, en 1644, elle y rentra en fugitive ; les prisons ne s'ouvraient plus par le charme de son sceptre ; elle se dérobait elle-même aux prisons. Voyageant d'un royaume à l'autre, échappant à des tempêtes pour arriver à des combats, quittant des combats pour retrouver des tempêtes, Henriette était saisie par la fatalité qui poursuivait les Stuarts. On vit cette courageuse femme, canonnée jusque dans la maison qui lui servait d'abri contre les flots, obligée de passer la nuit dans un fossé où les boulets la couvraient de terre. Une autre fois, le vaisseau qui la portait étant près de périr, elle dit aux matelots ce mot, qui rappelle celui de César : « Une reine ne se noie pas. »

Libre d'esprit au milieu de tous les dangers, elle écrivait au roi, de Newark, le 27 juin 1643 : « Tout ce qu'il y avait actuellement de

  1. Vie de Henriette-Marie. (N.d.A.)