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autre chose au monde, et que ma satisfaction est inséparablement unie avec la tienne, si toutes mes actions ne doivent avoir pour but de te servir et de te plaire... L'habitude de ta société m'a rendu difficile à contenter ; mais ce n'est pas une raison pour que tu m'en plaignes moins, toi le seul remède à cette maladie. Le but de tout ceci est de te prier de me consoler par tes lettres le plus souvent qu'il te sera possible. Et ne crois-tu pas que les détails de ta santé soient des sujets agréables pour moi, quand même tu n'aurais pas autre chose à m'écrire ? N'en doute pas, ma chère âme, ta tendresse est aussi nécessaire à la consolation de mon coeur que ton secours à mes affaires. »

Lorsqu'on songe que Charles épanchait ainsi son coeur au milieu des horreurs de la guerre civile, au moment de tomber entre les mains de ses ennemis, on est profondément attendri.

La reine, un an auparavant, lui écrivait d'York, le 30 mars, ces paroles un peu rudes : « Souvenez-vous de ce que je vous ai écrit dans mes trois dernières lettres, et ayez plus de soin de moi que vous n'en avez eu jusque ici, ou faites semblant du moins d'en prendre davantage, afin qu'on ne s'aperçoive pas de votre négligence à mon égard. »

Charles crut devoir déclarer, en mourant, à sa jeune fille, la princesse Elisabeth, qu' il avait toujours été fidèle à la reine, et la lettre d'adieux qu'il écrivit à celle-ci se terminait par ces mots : « Je meurs satisfait, puisque mes enfants sont auprès de vous. Votre vertu et votre tendresse me répondent du soin que vous aurez de leur conduite. Je ne puis vous laisser des gages plus chers et plus précieux de mon amour. Je bénis le ciel de faire tomber sa colère sur moi seul. Mon coeur est plein pour vous de la même tendresse que vous y avez toujours vue. Je vais mourir sans crainte, me sentant fortifié par le souvenir de la fermeté d'âme que vous m'avez fait paraître dans nos périls communs. Adieu, madame, soyez persuadée que jusqu'au dernier moment de ma vie je ne ferai rien qui soit indigne de l'honneur que j'ai d'être votre époux [1] ».

Cette dernière lettre de Charles, qui n'est pas assez connue, montre que ses sentiments intimes étaient aussi nobles et peut-être encore plus touchants que ceux qu'il fit éclater sur l'échafaud.

On peut reprocher à Henriette-Marie du penchant à l'intrigue, penchant qu'elle tenait du sang des Médicis ; elle se livra aussi à des moines sans prudence et à des favorites qui la trahirent. Elle avait le courage du sang ; le courage politique lui manquait quelquefois : et quand les orages populaires grondaient, quoique femme de tête et de coeur, elle donnait

  1. Vie de Henriette-Marie. (N.d.A.)