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dans les traits, et quelque chose de noble et de grand dans toute sa personne. C'était de toutes les princesses ses sœurs celle qui ressemblait le plus à Henri IV, son père : elle avait comme lui le coeur élevé, magnanime, intrépide, rempli de tendresse et de charité, l'esprit doux et agréable, entrant dans les douleurs d'autrui et compatissant aux peines de tout le monde. »

Les historiens anglais la représentent petite et brune, mais remarquable par la beauté de ses traits et l'élégance de ses manières.

Charles aimait Henriette avec passion : il ne paraît pas qu'elle éprouvât pour lui le même degré de tendresse ; et pourtant, tandis qu'il ne lui témoignait aucune inquiétude, c'était elle qui se plaignait et qui semblait un peu jalouse. Dans les lettres de Charles, imprimées par ordre du parlement, respire le sentiment le plus touchant d'amour pour Henriette.

Le 13 février 1643, il lui mande : « Je n'avais pas éprouvé jusque ici combien il est quelquefois heureux d'ignorer, car je n'ai appris le danger que tu as couru en mer par la violence de la tempête que lorsque j'avais déjà la certitude que tu en étais heureusement échappée... L'effroi que m'a causé ce danger ne se calmera pas jusqu'à ce que j'aie eu le bonheur de te voir, car ce n'est pas à mes yeux la moindre de mes infortunes que tu aies couru pour moi un si grand péril, et tu m'as témoigné en ceci tant d'affection, qu'il n'y a chose au monde qui me puisse jamais acquitter, et des paroles beaucoup moins que toute autre chose ; mais mon coeur est si rempli de tendresse pour toi et d'une impatience passionnée de reconnaissance envers toi, que je n'ai pu m'empêcher de t'en dire quelques mots, laissant à ton noble coeur le soin de deviner le reste [1] . »

Il lui écrit d'Oxford, le 2 janvier 1645 : « En déchiffrant la lettre qui arriva hier, je fus bien surpris d'y trouver que tu te plains de ma négligence à t'écrire... Je n'ai jamais manqué aucune occasion de te donner de mes nouvelles... Si tu n'as point la patience de t'interdire un jugement défavorable sur mes actions jusqu'à ce que je t'en aie marqué les véritables motifs, tu cours souvent risque d'avoir le double chagrin d'être attristée par de faux rapports et d'y avoir cru trop vite. Ne m'estime qu'autant que tu me verras suivre les principes que tu me connais. »

Charles lui écrit du même lieu, le 9 avril de la même année : « Je te gronderais un peu, si je pouvais te gronder, sur ce que tu prends trop tôt l'alarme. Songe, je te prie, puisque je t'aime plus que toute

  1. Note des Mémoires de Ludlow, collect. Guiz. (N.d.A.)