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Il n'y a plus aujourd'hui de doute sur le genre de division qui régna un moment entre Charles et Henriette-Marie : élevée dans une monarchie absolue, dans une religion dont le principe est inflexible, dans une cour où l'on passe tout aux femmes, dans un pays où l'humeur est mobile et légère, Henriette fut d'abord un enfant capricieux, qui prétendit à la fois faire dominer sa volonté, sa religion et son humeur. Les prêtres, les femmes et les gentilshommes qu'elle avait amenés avec elle voulaient les uns exercer leur culte dans tout son éclat, les autres établir leurs modes et se moquer des usages d'une cour barbare . Charles, accablé de toutes ces querelles, renvoya en France la suite de la reine. Il se plaint de la conduite d'Henriette-Marie dans des instructions pour la cour de France, datées du 12 juillet 1626.

« Le roi de France et sa mère n'ignorent pas, dit-il [1], les aigreurs et les dégoûts qui ont eu lieu entre ma femme et moi, et tout le monde sait que je les ai supportés jusqu'ici avec beaucoup de patience, croyant et espérant toujours que les choses iraient mieux, parce qu'elle était fort jeune, et que cela venait plutôt des mauvais et artificieux conseils de ses domestiques, qui n'avaient que leur propre intérêt en vue, que de sa propre inclination. En effet, lorsque je me rendis à Douvres pour la recevoir, je ne pouvais pas attendre plus de marques de respect et d'affection qu'elle n'en fit paraître en cette occasion. La première chose qu'elle me dit fut que, comme elle était jeune et qu'elle venait dans un pays étranger, dont elle ignorait les coutumes, elle pourrait ainsi commettre quantité d'erreurs, et qu'elle me priait de ne me point fâcher contre elle pour les fautes où elle pourrait tomber par ignorance, jusqu'à ce que je l'eusse instruite de la manière de les éviter... Mais elle n'a jamais tenu sa parole. Peu de temps après son arrivée, Mme de Saint-Georges... mit ma femme de si mauvaise humeur contre moi, que depuis ce temps-là on ne peut pas dire qu'elle en ait usé envers moi deux jours de suite avec les égards que j'ai mérités d'elle...

« Je ne prendrai pas la peine de m'arrêter à quantité de petites négligences, comme le soin qu'elle prend d'éviter ma compagnie, si bien que lorsque j'ai à lui parler de quelque chose, il faut que je m'adresse d'abord à ses domestiques, autrement je suis assuré d'avoir un refus ; son peu d'application à l'anglais et d'égards pour la nation en général. Je passerai de même sous silence l'affront qu'elle me fit avant que j'allasse à cette dernière et malheureuse assemblée du parlement ; on n'en a déjà que trop discouru, et vous en avez l'auteur

  1. Je me sers de la traduction de l'excellente édition des Mémoires de Ludlow, dans la Collection des Mémoires relatifs à la révolution d'Angleterre, par M. Guizot. (N.d.A.)