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LXXXV.


Pourquoy soupires tu ô lasche effeminé
Quant la Parque t'appelle ? As tu veu sur la terre
Par tout ou le Soleil vagabondement erre
Homme, qui par la mort ne se vit butiné ?

Combien voys tu de Fort contre bas incliné,
De Chasteau renversé par l'effort de la guerre,
De rocher opprimé par le coup du tonnerre,
Par le desbort des eaus de palais ruiné ?

De fleurir & fanir, de mourir & de naistre
D'abaisser & hausser, d'augmenter et decroistre
Nous est commun à tous, & la divinité

Parmy ces changemens eternellement stable
N'a voulu que rien fut de ferme ou perdurable
Hors de l'abysme profond de son Eternité.


LXXXVI.


Tu as beau entasser monnoye dessus monnoye,
Et pour amonceller thresors dessus thresors
Charger des lingos d’Or en mille estranges pors,
À l’indiscrette mer t’abandonnant en proye :

Tu as beau te pomper de velous, & de soye
Et de rubis ardens, illuminant les bors
De tes accoustremens, te monstrer en dehors,
Luisant comme un soleil qui jaunement flamboye.

Pour tous ces affiquez je ne te diray pas
Riche, ny opulant jusqu’apres le trespas
Que tu ne seras plus à personne contable :

On ne peut justement nommer le crediteur
Riche ou pecunieus qui d’ailleurs est debteur :
Tout comme est de sa vie à la mort redevable.