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LXXXIII.


Celuy ne s’aime point qui sur la terre immonde
Voudroit vivre eternel, se privant, inhumain,
De l'aimable douceur de ce bien souverain
Que DIEU fait aus Esleus gouster en l'autre monde :

Tel homme ne croit point une vie seconde,
Ou la doit desirer, s'il ne la croit en vain :
Scachant bien que le fil de nostre àge incertain
N'a point tant de douceur, que de fiel y redonde

Personne ne peut vivre affranchi de peché,
Davantage forfait le plus tard depesché ;
Tousjours la longue vie, est de toute la pire.

Donc comme JESUS-CHRIST voulut mourir pour toy
Veuilles mourir pour luy, quiconque ne desire
De mourir pour son DIEU n'a constance ny foy.


LXXXIIII.


Toute chose aisément retourne à sa nature,
Ainsi la gresle en bas tombe d'un viste saut,
Ainsi le feu leger gaigne tousjours le haut,
Et l'air pour saillir hors sous la terre murmure :

Ainsi l'esprit froissant la mortelle closture
Du cors appesantis, promt, leger, vif, & chaud
Aspirant vers le ciel, fait que le cors deffaut
Comme lourd, & grossier, dedans la sepulture :

L'homme de terre né, en terre cheminant
Terrestre vit de terre, & vers terre inclinant
Retournant à la terre, en la terre se change ;

Attendant en tel point que l'esprit eternel
Devant un jour rentrer au monument charnel
Sa terre purifie, & le face un bel Ange.