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LXXVII.


Celuy seul je repute estre vivant, et sage
Lequel tasche d'apprendre à vivre justement,
Car il ne garde pas son àge seulement
Mais tout le tems passé il adjouste à son àge :

Avant qu'il eust receu la lumiere en partage,
Des siecles ja passez, il scait entierement
La police & l'estat , & nous pareillement
Pouvons estre receus au mesme apprentissage

Par le labeur d'autruy nos languissans espris
Sont guidez & couduis à chose de grand pris,
Qui nous donne par tout une libre avenue :

Et si nous surmontons nostre imbecillité,
Nous avons assez tems pour rendre plus connue
De nos espris divins la magnanimité.


LXXVIII.


Toy qui veus travailler jusques en l’an soixante
Pour reposer, viellart, en joye & passetems,
Dis moy, quy t'a donné de vivre si long tems
Le privilege ouvert, & la lettre patente ?

Comme tu le propose en ta teste mouvante,
Penses tu disposer de la course des ans ?
Peut estre tu mourras en ton jeune Prim-tems
Ou vivras, ja grison, en plus grande tourmente.

O folle vanité du jugement humain,
De differer l'effet d'un salubre dessein
Jusques en l'an soixante, & commencer sa vie

Des la fin de ses jours, cest commencer trop tard
(Ordonnant du retour sur le point du depart)
Quant il nous faut mourir, d'avoir de vivre envie.