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XLIX.


Comme petis enfans d’une larve outrageuse,
D’un fantosme, ou d’un masque, ainsi nous avons peur,
Et redoutons ta mort, la concevant au ceur
Telle comme on la fait have, triste, & affreuse :

Comme il plait à la main ou loyale, ou trompeuse
Du graveur, du tailleur, ou du peintre flatteur
La nous représenter sur un tableau menteur,
Nous l’imaginons telle, agreable, ou hideuse :

Ces apprehensions torturant nos cerveaus
Nous chassent devant elle, ainsi comme bouveaus
Courent devant le loup, & n’avons pas l’espace

De la bien remarquer, ostons le masque feint,
Lors nous la treuverons autre qu'on ne la peint,
Gracieuse à toucher, & plaisante de face.


L.


Las ? si nostre non estre aveugles miserables
Aus siecles ja passez sans douleur à esté,
Cest estre est au contraire à toute heure agité
De regrets, de soucis, & de pleurs lamentables :

Qui causera des deus nos peines dommageables
Ou bien nostre non estre, ou la varieté
De cest estre present, qui de crainte hebeté
Mesme à nous mesmes rend nos iours desagreables :

Celuy vrayment est sot, qui d'ardeur tourmenté
Retournant en vigueur, accuse sa santé
De sa peine derniere, & non sa fiebvre enclose :

Nous condamnons la mort & ne serions vaincus
De son trait importun, si nous n'avions vescus,
La Vie, & non la mort de nos maus est la cause.