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XXIX.


La plus grand part du monde alors qu'elle s'engage
Dans les flos mariniers, afin de voyager
Cherchant mondes nouveaus, sous un Ciel estranger
Ne pense aucunement aus hasars de l'orage.

C'est commencer trop tard d'instruire son courage
A valeureusement souffrir quelque danger,
Quant il est ja venus sur nous se descharger,
La prevoyance rend le jugement plus sage.

Que si nous avions tous aus cerveaus imprimez
Les maus que nos voisins endurent, opprimez
Comme ayant de tous temps libre acces à nous mesmes

Nous serions moins peureus ; car l'homme prevoyant
De sa condition le sujet ondoyant
N'endure jamais rien de subis, ou d'extremes.


XXX.


En ce à quoy longuement l’homme s'est préparé
Il s'en aproche bien avec plus d'asseurance,
Avecque plus d'effort il luy fait resistance,
D'un magnanime ceur au dedans remparé :

Au contraire celuy n'est jamais asseuré
Qui du mal à venir ne prevoit l'accointance,
Aincois au moindre choc d'une courte souffrance,
Fremit comme le flot par le vent altere ;

Afin donc que la peur de la mort ne te domte,
Repenses y souvent, & tu n'en tiendras comte
Comme d'un point fatal à chacun ordonné ;

Sur tout ne pleure point le meurdre, ou le carnage
Que la mort fait sur nous, ce n'est point être sage
De regretter l'estat auquel tout homme est né.