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CCLXIX.


Pour un petit moment que tu dois vivre au monde
Pourquoy te bastis tu une habitation
De si haute grandeur que sa construction
Semble chocquer du Ciel la cambreure profonde ?

Cain fust le premier qui sur la terre ronde
Dressa une Cité, duquel l’invention
Incontinant en queue eust sa punition,
Perdant du ciel heureus la lumiere seconde

Si tu devois ça bas longuement sejourner,
Je ne m’estonnerois de te voir tant peiner
A construire et bastir une maison d’eslite,

Mais te voyant si pres de ton proche depart,
Que ne regardes tu que tel met beaucoup d’art
A bastir un logis ou jamais il n’habite ?


CCLXX.


Arrivant au logis pour un petit quart d’heure
Que le passant y doit seulement sejourner,
Il ne s’adonne point à rompre & retourner
Demolir ou bastir le lieu de sa demeure :

Estranger vagabond sur la terre peu seure,
Ne travailles point tant a briguer et vener
Ces honneurs que tu dois bien tost abandonner
Que vivre en tel estat qu’heureusement tu meure.

Tu ne fais qu’arriver, & peut estre demain
La mort mettra sur toy son homicide main
Te contraingnant de choir dans la fosse profonde :

Ceus des siecles premiers ainsi de lieus en lieus
Habitoint dans les creus ou sous les chesnes vieus,
S’avouant estrangers et pelerins du monde.