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CCXLIII.


CELUY faut de raison qui dessus le rivage,
Heureusement recou du tempestueus debord
De la mer courroucee arrivé dans le port
Pour retourner en mer fait un second naufrage :

Et toy qui sors vaincueur du perilleus passage
De ceste humaine vie, encore mal-accort
Te veus tu r'engager aux aguets de la mort,
Commencant de nouveau ce dangereus voyage

Bien aveugle est celui qui seurement issu
D'un chemin tortueus de ronce entre-tissu
Au sentier le plus seur inconstantement glisse.

Ne vouloir point sortir de ce monde impudent
Par une heureuse mort, est un signe evident
Que l'on est entasché de meinte enorme vice.


CCXLIIII.


J'ESTIME, Valimbert, les Romains indiscrets
Qui des petis enfans en festins & en dance
Celebroient la venue, & vivoint en souffrance,
Quant les viellars chagrins sont du monde distraits.

Mais trop plus avisez les Scythes & les Grecs
Qui des tendres enfans desplorent la naissance
Attains de vifs ennuis & font resjouissance
A la mort des viellars affranchis de regrets.

Vraiment c'est bien raison que les pleurs nous oppressent
A leur nativité puis que les enfants naissant
Seulement pour pleurer, la raison veut aussi

Puis que le Viellard sort de ce monde pour rire
Que chantans & rians loing de nous se retire
Tout farouche aiguillon d'ennuis & de souci.