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CCXVXVII.


SI TU scavois quel est l'insupportable pois
Des Empires mondains, & dans l'orde poussiere
Hors de ta main couloit la coronne emperiere,
Pour t'en ceindre le chef tu ne la reprendrois.

Les souspecons jaloux, & les peureus effroys
Sont des princes pompeus l'escorte familiere,
Et tousjours va pendant une lame meurdriere
A un crin de cheval, sur la teste des roys.

Les Estas souverains ne sont que precipice
D'honneur & de grandeur, dont aisement l'on glisse
Au centre plus profond de toute mal-heurté,

Le vray moyen de vivre, est de vivre en la sorte
Qu'aucune crime, en mourant, l'ame ne desconforte
Et vivant ne s'oppose à nostre liberté.


CCXXXVIII.


EN MEDITATION de mort perpetuelle
Le sage doit user la trame de ses jours,
Et sans cesse penser & repenser tousjours
De combien de facon la chair nous ensorcelle

Il est constitué par la loy naturelle
De mourir une-fois à tout ce que le cours
Celeste voit mouvoir parmi ces bas sejours
Pleins de desloyauté, de noise, & de querelle.

Partant soit que tu dorme, ou bien que le resveil
Tes yeux appesantis delivre du sommeil,
Aye tousjours la mort gravee en la memoire :

Tu n'offenseras point, il vaut bien mieus faillir
Par un trespas soudain, que de se voir tollir
Auparavant sa mort son honneur & sa gloire.