Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CCXVXV.


NE SOIS point trop eschart ny trop avantureus
A despenser ta vie & sur tout ne t'enyvre
De l'espoir decevant de longuement poursuivre
Le filet [illisible] de tes jours langoureus

La mort plus que jamais en ce temps mal-heureus
Du monde ensorcellé les jeunes gens delivre,
Et les vieillars chenus ne peuvent beaucoup vivre
Choppant desja d'un pié dans le tombeau poudreus.

Vis en homme de bien & tellement opere
A garder de ton DIEU la volonté prospere,
Que tu ne sois par luy en jugement destruit.

En vain le laboureur qui d'une main escharce
Peu de semance espend dessus la terre esparce,
Espere en la moisson ceuillir beaucoup de fruit.


CCXXXVI.


JE NE scay qui doit estre estimé le plus sage
De ces deux vieus Reveurs celuy qui larmoyoit
Ou celuy qui riant de tout ce qu'il voyoit,
N'estoit non plus esmeu qu'une roche sauvage :

L'un pleuroit l'avarice & la gloire volage,
Les ars & les abus ou chacun s'employoit :
L'autre de rit frequent sans relache ondoyoit,
Voyant les vanitez ou le monde s'engage.

De vray qui nottera quels sont les appetis,
Actions & desseins des grans & des petis
Il trouvera d'erreur un si fertile nombre :

Qu'il jugera soudain que l'homme ore veillant
Et demain par la Parque au tombeau sommeillant
N'est que le songe vain de l'ombrage d'un ombre.