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CCXXXIII.


ARRIVE sur le tard pense paravanture
Que tes yeus ne verront devant eus apparoir
L'ombrage de la nuit, arrivé sur le soir
L'ensaffrané matin de revoir ne t'assure :

La vie est incertaine & de la mort obscure
Se viennent sur nos yeus les tenebres asseoir
Quant moins nous y pensons exemplaire miroir
Des estranges soupcons que le mortel endure.

Partant à mourir dispose desormais
Tellement tes espris que la Parque jamais
Ne coule au despourveu sous ta paupiere close.

Bien heureus est celuy qui se ressouvenant
De la mort en tout tems voire dez maintenant
A bien vivre & mourir s'appareille & dispose.


CCXXXIIII.


SI TU veus sans regret le monde delaisser
Meurs de bonne heure en luy & vivre en DIEU commence
Abaisse toy toy mesme en crainte & patience
Afin que tu te puisse au Seigneur redresser :

De ton cors sensuel facile à repousser
Les bons enseignemens par jeune & penitence,
Veilles & oraisons reprime l'insolence,
Afin qu'en un seul DIEU tu puisse t'exercer.

Vis de telle facon que tu te resjouisse
Bien plustost en mourant que tu n'esvanouisse
De crainte & de frayeur pour ta meschanceté.

Sut tout du voyager vas imitant la trace
Qui du lieu ou il est & par lequel il passe,
Ne s'entremesle point que par necessité.