CCXV.
VA DES sorciers devins les charmes consulter
Quelle sera ta fin au ciel determinee,
Et remarque le point, le mois & la journee
Que tu vins, miserable, en ce monde habiter :
Le ciel non animé peut-il necessiter
L'homme vivifié d'une ame illuminee
Des rais de la raison, ou si la destinee
Se peut bien mieus prevoir que non pas eviter ?
Que te sert de scavoir la borne de ton àge
Sinon pour t'affliger encore d'avantage
Si le ciel ourroussé quelque embusche te tend ?
Fais comme tu voudras, si faut-il que tu meure
Et de toutes les mors, la mort est la meilleure
Qui nous pille en sursaut lors que moins on l'attend.
CCXVI.
PENDANT que tu bastis des chasteaux en Espaigne
Et brusles du desir d'empieter les Romains
Et trumpher vainceur, des belliqueus Germains
Soumettant à tes loyx l'une & l'autre Allemagne
La mort se rit de toy, & mocqueuse dedaigne
Le fantasque projet de tes braves desseins,
Et trompant tes desirs d'intemperance pleins,
Sa flesche dans ton sanc furieusement baigne.
Un jour te reste à vivre, & cependant tu fais
Pour trente ans à venir des discours imparfais
Embrouillant & meslant la fusee & les cartes
Ne considerant pas que les Conjurateurs
Juroient contre Cesar au gré des Senateurs,
Cependant que Cesar juroit contre les Parthes.
